125 et des milliers
Sarah Barukh & Collectif
125 personnalités racontent 125 victimes de féminicides
En France, une femme est assassinée par son conjoint tous les deux jours et demi en moyenne, soit environ 125 femmes par an. Qui se cache derrière ces chiffres ? 125 personnalités de la littérature, du monde politique et artistique prennent la plume et racontent les vies de ces femmes broyées et deviennent ainsi leurs ambassadrices. Pour une fois, les victimes ont un visage.
À travers son parcours de femme victime de violence conjugale ainsi que la participation de plusieurs professionnels (psychiatres, avocats, associations, etc.), Sarah Barukh donne également des clefs pour comprendre l’emprise et la violence.
Un livre pour se souvenir mais aussi pour réfléchir collectivement afin que ces meurtres cessent.
L’homme qui vivait sous terre - Version intégrale - INÉDIT
Richard Wright
Fred Daniels, un jeune homme noir, se fait arrêter par la police à la fin d’une journée de travail, alors qu’il s’apprêtait à retrouver sa femme sur le point d’accoucher. Un double meurtre a été commis dans le voisinage, et la police a besoin d’un coupable : ce sera Fred Daniels. Mais il parvient à s’échapper presque miraculeusement. Une plaque d’égout qui se soulève lui donne envie de s’y glisser. Il découvre la ville par en dessous, grâce à des connexions insoupçonnées entre le système des égouts, les caves et les souterrains de la ville. Il parvient ainsi à survivre, à se nourrir, et même à entendre le chant des églises. Puis, il décide de remonter à la lumière…
La version originelle d’un texte de Richard Wright enfin publiée : L’Homme qui vivait sous terre est connu dans sa forme courte, en tant que nouvelle. Restauré comme roman, dans une langue évocatrice, on découvre un grand livre sur le racisme, aux accents kafkaïens.
Écrit dans les années 1940 – juste avant le succès de Black Boy – ce roman se lit comme une dénonciation de la violence de l’Amérique raciste du milieu du XXe siècle. À l’époque du mouvement Black Lives Matter, il résonne puissamment.
"Arabe"
Samyia Al Barràn
L’Algérie n’est plus qu’un lointain souvenir pour l’auteure et pourtant cette histoire migratoire et d’exil traverse et bouleverse les générations successives.
Comment se penser soi-même quand on est Française d’origine algérienne et qu’on vous regarde comme appartenant à un camp ou à un autre ?
De la banlieue d’Alger aux bidonvilles de Nanterre, Samyia Al Barràn raconte la déflagration traumatique d’une famille tentant d’avancer et de réparer ses blessures : celle de la guerre, de l’exil, du deuil, ainsi que du sentiment de déracinement et de trahison des siens.
Entre résilience et vulnérabilité, ce livre intime est un appel à l’écoute face au phénomène migratoire et aux difficultés identitaires de ceux que l’on nomme les « enfants d’immigrés ».
Les jours de juin 1940 - Récits de témoins
René Rioul
«Juin 40» est le nom propre de l’événement historique qui commence le vendredi 10 mai 1940, après neuf mois somnolents de «drôle de guerre», avec l’offensive allemande foudroyante en Belgique et au Luxembourg, et prend fin en principe le mardi 25 juin 1940 avec l’entrée en vigueur de l’armistice. Un grand nombre de personnes ont laissé leurs souvenirs sur cette période. Leurs témoignages ont été publiés ou sont restés inédits. Certains étaient militaires ; d’autres étaient civils. Certains étaient déjà connus ou le sont devenus ; d’autres étaient et sont restés des inconnus. Tous ont vécu au même rythme de la grande Histoire leurs humbles histoires personnelles. Mais souvent, parce que les unités militaires avaient perdu leur cohésion et que les familles se trouvaient dispersées, ils les ont vécues – paradoxe – dans une grande solitude, au milieu de la foule dont ils partageaient le sort. Pour tenter de comprendre ce qu’a été, à leur niveau, l’enchaînement des événements et ce qu’ils ont ressenti, on a ici rassemblé et condensé les récits de leurs aventures.
Un entretien avec
René Rioul
Propos recueillis par
Véronique
Leroux-Hugon
dans la numéro 95 - février 2024 de
La faute à Rousseau
(pages 7 à 10)
Une enfance française
Farida Khelfa
A la mort de sa mère, découvrant les rites funéraires de ses origines, Farida se replonge dans son enfance, si loin de sa vie d’adulte. Les mots et les souvenirs se bousculent alors qu’elle raconte pour la première fois la vie de cette famille d’immigrés algériens : les HLM misérables, les hommes brisés par l’illettrisme et la colonisation, les mères pétrifiées. Au milieu, une fratrie élevée dans une violence inouïe mais soudée par le rire et la force de vie.
Émerge la vision crue et poétique d’une enfance française, l’âpre histoire d’une petite fille qui a su se recréer et se faire une place dans un monde nouveau, animée par une extraordinaire résilience.
À cheval sur le vent
Patrick Pécherot
Hiver 1962, Sarcelles : Xavier Grall tape furieusement sur sa machine à écrire enveloppé dans un nuage de fumée. Des mots voltigent autour de lui : salle de torture, embuscade, corps tuméfiés, pesanteur de la haine, gosse égorgé, rebelles, harkis, femme violée, peur au ventre, représailles… Il compile fiévreusement le cortège des mauvais souvenirs de la génération djebel, la sienne.
Ce qu’il a vu lui, il n’en parlera pas. Des cauchemars le hantent. Pourquoi n’a-t-il pas suivi l’exemple d’Yvon, l’insoumis ? Pourquoi n’a-t-il pas déserté ? Comment effacer de sa mémoire la maison aux saules pleureurs ? Derrière le regard du poète breton, Patrick Pécherot nous laisse apercevoir avec pudeur et tendresse le désespoir et la rage étranglée des enfants de la guerre d’Algérie.
Manouchian - Les fusillés de l'affiche rouge
BD - Hiroyuki Ooshima - Jean-David Morvan - Tcherkezian
Torturé puis fusillé le 21 février 1944 avec 22 autres membres de son groupe Francs-Tireurs et Partisans - Main-d'oeuvre immigrée (FTP-MOI), le poète, ouvrier et militant communiste Missak Manouchian va devenir un symbole de la Résistance intérieure française. Un martyr que le peuple opprimé n'oubliera jamais.
Cette exécution, très médiatisée par les Allemands à travers la fameuse Affiche rouge, servira de propagande nazie pour déstabiliser et décrédibiliser la Résistance face au peuple français.
Un destin hors du commun qui prend une nouvelle ampleur en février 2024 avec l'entrée de Missak et Mélinée, son épouse, au Panthéon.
Anatomie de l'Affiche rouge
Annette Wieviorka
Le 21 février 2024 Missak Manouchian entre au Panthéon, avec son épouse, Mélinée. L’histoire des Arméniens mérite d'être connue et reconnue. Missak, le militant, le résistant est une figure digne d'être honorée. Mais je suis saisie par un double sentiment, celui d'une injustice à l'égard des 21 autres résistants étrangers fusillés en même temps que lui par les nazis et d'Olga Bancic guillotinée ; celui d’un malaise devant un récit historique qui distord les faits pour construire une légende. Or, à l'époque des « vérités alternatives », si on souhaite donner une leçon d'histoire, la moindre des précautions est de l’établir.
Le village secret
Susanna Harutyunyan
Niché dans les montagnes près du lac Sevan, un village vit à l’insu du monde. Des massacres ottomans aux persécutions soviétiques, ce lieu clandestin offre un refuge à qui le souhaite, à condition de se plier aux lois de son énigmatique leader Harout – le seul à connaître les chemins qui mènent à l’extérieur.
Lorsqu’une nouvelle vague de rescapés du génocide atteint la vallée, l’intransigeance de Harout semble dangereusement ébranlé : parmi eux se trouve une jeune femme enceinte de l’ennemi. Mais est-ce que cette nouvelle vie issu de tant de violences aura le droit d’exister ? Et combien de temps le village pourra-t-il rester secret ?
À travers des images aussi poignantes que lumineuses, des détails attachants et des paysages sublimes, la grande dame de la littérature arménienne, Susanna Harutyunyan, conjugue le réalisme des souffrances du peuple arménien à la poésie de ses légendes.
Odyssée des filles de l'Est
Elitza Gueorguieva
« Tu te trompes souvent. Tu remplaces très par grave dans une phrase au registre soutenu et tu dis bien à toi à tes voisins de palier. À la place de récépissé tu comprends laissez-pisser, et tu confonds radié et irradié ainsi que sentier et sentinelle. Tu es littérale et hésitante, alors que dans ton pays tes blagues avaient de l’allure. Parfois tu fais exprès, c’est la seule manière que tu as trouvée d’être drôle. Quand tes erreurs sont volontaires, ça te donne un sentiment d’égalité, vous pouvez, ensemble et au même titre, vous foutre de ta gueule bien à toi. »
Les destins parallèles d’une étudiante et d’une prostituée bulgares, débarquées à Lyon en 2001. Entre tribulations burlesques et peinture sociale mordante, un roman d’exilées à la conquête de leur liberté.
Mauthausen
Iakovos Kambanellis
« C’est Mauthausen qui m’a défini comme homme, je suis encore un homme du camp. »
Iakovos Kambanellis (1922-2011), écrivain, dramaturge, et souvent considéré comme le père du théâtre grec contemporain, a été déporté à Mauthausen de 1943 à 1945. Le récit de ses années de camp et des mois qui ont suivi sa libération en mai 1945 par les Américains est paru en Grèce en 1963, la même année que La Trêve de Primo Levi en Italie et Le Grand Voyage de Jorge Semprun en France.
Par son réalisme, sa narration vive et précise, Mauthausen est un tableau hallucinant où alternent les tragiques années de camp, les souffrances endurées, l’inhumanité, la logique infernale des SS, et les mois d’après la libération dans le chaos d’un monde disloqué où tout est joie, espoir et stupéfaction de réapprendre simplement à vivre.
Témoignant autant de l’expérience personnelle de l’auteur que de celle de ses codétenus, mêlant le malheur et la folie, le grotesque et l’absurde, Eros et Thanatos, Mauthausen laisse au lecteur une intense impression d’humanité tant il exprime une expérience aux limites de l’indicible, métamorphosée en chant de résistance et de vie exceptionnel.
Le Troisième Continent - Ou la littérature du réel
Ivan Jablonka
Depuis le XIXe siècle, notre mappemonde intellectuelle est occupée par deux continents : la fiction romanesque et la recherche savante. Mais ce partage du monde est de plus en plus contesté.
Récits, témoignages, biographies, reportages, journaux intimes : tous ces écrits du réel composent une autre littérature, animée par la volonté de comprendre. Ils sont nourris et structurés par les sciences sociales, qui ont aussi un potentiel littéraire. Car la recherche – dès lors qu’elle analyse son point de vue, dit « je » et ose écrire – est une recherche sur ses propres formes.
Quand la littérature rencontre les sciences sociales, c’est un troisième continent qui émerge : des terres où fleurissent les enquêtes, où se comprend notre histoire, où la recherche se réconcilie avec la création, où s’invente une littérature-vérité distincte de la littérature-fiction comme de la littérature grise. En s’engageant dans son exploration, ce livre propose une nouvelle cartographie des savoirs et des écritures.
Incidents de parcours
Il suffit des pétarades d’une mobylette, des effusions affectives d’un gamin, des caprices d’un nouveau résident d’une maison de retraite, pour agiter le bocal des ronronnements du quotidien. Un parc à traverser, un paumé réfugié dans un abri de jardin, une voisine distillant ses confidences… Autant de situations qui transforment un jour ordinaire en instant de grâce ou en torture infernale. Ce ne sont que des incidents de parcours…
Murs d'images d'écrivains - Dispositifs et gestes iconographiques (xıxe-xxıe siècle)
Anne Reverseau, Jessica Desclaux, Marcela Scibiorska, Corentin Lahouste
Pourquoi s'entoure-t-on d'images ? Tableaux, gravures, photographies, cartes postales, images précieuses ou de peu couvrent les murs de nos habitations, selon des agencements variés. Ces dispositifs iconographiques sont autant de reflets de l'histoire personnelle, sociale et culturelle de leurs concepteurs. Et qu’en est-il alors pour un sujet écrivant : quel est l’impact de tels environnements visuels sur l’activité d’écriture ? À partir de quand une pratique culturelle banale, commune, prend-elle un sens particulier pour un homme ou une femme de lettres ? Tels sont les enjeux de ce livre inscrit au croisement des études littéraires et visuelles.
À la fin du xixe siècle, l’environnement des écrivains se voit de plus en plus nourri de références picturales et de la présence concrète des images. Reproductions et œuvres originales sur leurs murs constituent-elles un simple décor ? Quels sont leurs liens avec la pensée esthétique développée par des littérateurs? Quelle place occupent-elles dans la genèse d’une œuvre ? Comment participent-elles d’une posture d’auteur? Et, sur le plan de la réception et de la patrimonialisation, comment les musées peuvent-ils exposer au mieux ces agencements visuels ?
Des frères Goncourt à Yannick Haenel, en passant par Colette, Louis Aragon, Simone de Beauvoir ou Ramón Gómez de la Serna, le mur d’images devient un objet-clé du rapport de l’écrivain à la culture visuelle, y compris la plus contemporaine. Ce volume richement illustré explore ainsi, en sept chapitres et au travers d’une multitude de cas, différentes facettes du mur d’images tel qu’il a pu être investi du xixe siècle à nos jours. Il ouvre à une conception hybridée du fait littéraire, qui s’ancre dans les gestes iconographiques.
160000 enfants. Violences sexuelles et déni social
Édouard Durand (collection Tracts N° 54)
« Le corps des enfants, le corps des femmes, négociables ou non négociables ? »
Le constat est effroyable, appuyé désormais sur d’innombrables témoignages : 160 000 enfants sont sexuellement violentés chaque année en France… Elles sont là, à nos côtés, sous nos yeux, ces victimes, s’ajoutant à la foule des traumatisés d’un passé qui ne passe pas. Quel crédit la société porte-t-elle à ces voix de souffrance, lorsqu’elles ont osé se faire entendre ?
Le juge Édouard Durand, qui a dirigé les travaux de la Ciivise pendant trois ans avant de s’en voir retirer la charge, a observé les mécanismes de déni encore à l’œuvre dans la société. Il livre ici ses conclusions personnelles. Si, comme on l’entend encore trop souvent, « tout le monde savait », c’est que personne au fond ne voulait que ça se sache ; on préférerait que les victimes ne soient pas des victimes et que les criminels n’aient agressé personne. Mais entre l’impunité et la justice, il faut choisir. La parole des victimes doit être entendue sans arrière-pensée ; c’est là que tout commence, le premier geste non négociable de la protection de l’enfance. On ne pourrait aujourd’hui s’y soustraire sans créer un immense malaise.
Marie-Octave Monod : une femme libre
Brigitte Joseph-Jeanneney
Cette autographie fictive, nourrie d'archives inédites, du journal et des lettres de Marie Octave Monod, se fait l'écho d'une forte personnalité qui fut confrontée à deux guerres et à de douloureuses épreuves personnelles. Une voix singulière qui nous parle, nous éclaire, nous bouleverse. Il constitue aussi le témoignage précieux d'une vie de femme, au tempérament fort et généreux, une femme soucieuse de « rester maîtresse de sa vie », d'imprimer sa marque. Situation rare dans cette génération de femmes : Marie Octave Monod, née en 1876, a su garder tout au long de sa vie sa liberté d'action et de création, exister par elle-même. Tout en restant profondément attaché à son mari, collaborateur de Marie Curie. Elle n'a eu de cesse de défendre la cause des femmes, de lutter pour leur accès aux études et aux professions supérieures, de prévenir la prostitution. Inspirée par un féminisme pragmatique et tenace, douée d'un tempérament à la fois ardent et mesuré, elle posa ainsi les premiers jalons de leur émancipation. Historienne, Marie Octave Monod est l'auteure d'une biographie de Daniel Stern, où elle met en valeur l'indépendance d'esprit et de coeur de la comtesse d'Agoult. Foncièrement républicaine, progressiste, elle fut dreyfusarde à 20 ans, et fervente de Clemenceau toute sa vie, dont elle s'attacha à honorer la mémoire.
555
Hélène Gestern (édition Folio)
« J’ai bu du champagne, moi qui ne bois jamais, dansé avec Alice – je devais avoir l’air ridicule –, repris du champagne, discuté quelques instants avec une pianiste libanaise que j’admirais depuis des années. J’avais le sentiment étrange que tout cela arrivait à un autre que moi. »
En réparant un étui à violoncelle, Grégoire découvre une partition ancienne. Elle pourrait être la légendaire 556e sonate du compositeur Domenico Scarlatti. À peine déchiffré, l’inestimable document disparaît. Débute alors une course folle qui précipite quatre autres personnages, aussi complexes que passionnés, à la poursuite de la mystérieuse partition : un luthier criblé de dettes de jeu, une claveciniste mondialement réputée dont la carrière est menacée, un universitaire aussi antipathique que savant et un riche collectionneur désœuvré. Tous verront leur existence à jamais bouleversée par cette quête éperdue.
Masterclasse d'Hélène Gestern
Cette masterclasse s'est tenue le 8 octobre 2022 à La Maison de la Poésie
Organisation : Aleph Ecriture
Animation : Michèle Cléach
Fantastique Histoire d'amour
Sophie Divry
Bastien, inspecteur du travail à Lyon, est amené à enquêter sur un accident : un ouvrier employé dans une usine de traitement des déchets est mort broyé dans une compacteuse.
Maïa, journaliste scientifique, se rend au Cern, le prestigieux centre de recherche nucléaire à Genève, pour écrire un article sur le cristal scintillateur, un nouveau matériau dont les propriétés déconcertent ses inventeurs.
Bastien apprend que l’accident est en réalité un homicide. Maïa, elle, découvre que l’expérience a mal tourné. Sa tante, physicienne dans la grande institution suisse, lui demande de l’aider à se débarrasser de ce cristal devenu toxique.
Ce roman addictif qui emprunte aux codes de la série et du thriller est aussi une histoire d’amour. Une rencontre inattendue entre un homme, vaguement catholique et passablement alcoolique, et une femme, orpheline et fière, qui a érigé son indépendance en muraille.
Notre silence nous a laissées seules
Judith Chemla
J'ai obéi à la violence.
Malgré moi.
Nous en sommes tous là.
Avant d'oser regarder le monde tel qu'il est.
Avant d'oser parler.
Entretien dans les Inrocks (2 février 2024) :
"Le premier livre de Judith Chemla est un chemin. Un chemin vers la lumière et vers la vie, d’abord, pour celle dont le visage tuméfié s’est affiché sur Instagram un 4 juillet, en 2022, révélant les violences subies un an plus tôt au sein de son couple. Dans Notre silence nous a laissées seules, qui vient de paraître chez Robert Laffont, Judith Chemla raconte : deux relations conjugales consécutives violentes (l’autrice a souhaité anonymiser les protagonistes, qu’elle désigne par “Le Prince” et “Le Loup”), aussi bien physiquement que psychologiquement, qui l’ont vue mourir un peu, avant qu’une sage-femme ne lui annonce, au cours d’un avortement, sa propre (re)”naissance”. L’amour qui n’en est pas, le mécanisme infernal de l’emprise, la sidération, les rechutes, l’aliénation, l’impuissance de la justice, l’incapacité de la société à protéger les mères et les enfants, l’impunité des agresseurs. Mais aussi l’extrême consolation de l’art, la bienveillance qui répare, la sororité qui panse, la maternité qui exige. ..."
Grâce... Livre des heures poétiques
Anthologie établie par Bruno Doucey & Thierry Renard - Préface de Bruno Doucey & Thierry Renard
Prenez le mot Grâce. Soupesez-le pour en estimer la richesse de sens. Puis déployez-le, en éventail, de manière à faire apparaître ses innombrables significations. Qu’y a-t-il au-delà de ce don accordé, de cette faveur ou non divine ? Un état, un moment, l’extase. Une supplique, une embellie, d’autres extases encore. Sans oublier ces vies que l’on épargne, ce coup souvent fatal, ces inquiétudes et cet accueil, le consentement ou le refus. Les uns disent « Grâce à Dieu », tandis que d’autres ne croient qu’en la chaleur d’une main dans la leur. Mais de textes en textes, de mots d’amour en chants des morts, de cimes en abîmes, les 118 poètes de cette anthologie entonnent sans relâche la grande partition de la vie. Et s’ils viennent de tous les horizons – si elles viennent, car plus de la moitié sont des femmes –, c’est pour dire d’une voix multiple et une : Gracias a la vida !
Réactions françaises - Enquête sur l'extrême droite littéraire
François Krug
Ils sont trois visages et trois têtes de gondole de la littérature française : Michel Houellebecq, Sylvain Tesson, ou encore Yann Moix. Des parcours différents, mais un point commun, ignoré de leurs lecteurs.
Dans l’ombre, tous ont été, et sont restés, des « compagnons de route » de l’extrême droite. Cette enquête sur l’itinéraire de ces trois « stars », révèle comment s’est constitué une coterie littéraire très réactionnaire où se côtoient, depuis les années 1990, de petits et de grands écrivains, des éditeurs, des journalistes, des animateurs TV et des idéologues peu fréquentables.
C’est l’histoire d’une génération qui, par goût de la provocation, mépris de son époque ou pure conviction, a franchi la ligne rouge – ou plutôt, brune.
Sait-on que Michel Houellebecq n’a jamais cessé de prendre sous son aile des royalistes de l’Action française puis des blogueurs stars de la « fachosphère » jusqu’aux dirigeants de Valeurs actuelles ? Sait-on que Sylvain Tesson, l’écrivain-voyageur, a fait ses débuts sur Radio Courtoisie, la station d’extrême droite ? Que son premier voyage, un tour du monde à vélo, se fit sous l’égide d’une association d’anciens de l’Algérie française et du FN ? Qu’il entretient des liens étroits avec la Nouvelle Droite ? Sait-on que les liens de Yann Moix avec des antisémites et même des négationnistes ont été plus étroits qu’il ne veut le dire ? Que ses douteux amis ont joué un rôle dans ses plus grands succès ?
Une enquête implacable sur les dessous d’une histoire méconnue.
Extrait de la lettre -01/02/2024- des
Inrockutibles
"... Pour comprendre comment ce phénomène de l’extrême droite littéraire a réapparu – s’il avait jamais disparu… – depuis la fin des années 1980, en France, avec les “néo-hussards”, et comment il prend le visage aujourd’hui de trois écrivains devenus au fil du temps des acteurs de poids du débat publique, il faut lire d’urgence l’essai de François Krug, Réactions françaises (Seuil), paru en mars dernier. Le premier à avoir livré une enquête d’envergure sur les liens de Tesson avec la Nouvelle Droite. "
La maison sans toit
Laure Samama (Photographies) & Hélène Gestern (Texte)
Je rencontre
La maison sans toit en février 2015 au détour d’un chemin mexicain. Cette maison semblait avoir été quittée précipitamment, on y trouvait encore les traces d’une vie heureuse. Son toit manquait et ses murs retournaient lentement à la terre qui les constituait. J’ai photographié les traces laissées par ceux qui y avaient vécu, les végétaux qui l’habitaient à présent et la présence des fantômes. J’y suis retournée six mois plus tard, pendant la saison des pluies.
Enfin j’ai demandé à l’écrivain Hélène Gestern de mener l’enquête à partir de mes images. Elle les a examinées, une à une, et en a extrait une méditation sur le temps, l’exil et ce que la photographie nous fait.
“Prendre des photographies est une responsabilité ; écrire sur elles tout autant. La pellicule, les pixels capturent un fragment de temps et d’espace, prélevé quelque part dans le monde. De nombreuses théories expliquent à quel point l’image est un signe, sa composition subjective, son contenu sujet à interprétation. Elles sont toutes exactes. Mais elles tendent à oublier que la photographie s’appuie d’abord sur de la vie : les traces de la lumière qui ricoche, ruisselle, frappe ou nimbe des objets, des visages, des vêtements ou des paysages, offrant une forme à ce qu’elle dessine. Que ce qu’elle montre n’est pas seulement une construction intellectuelle, une vue de l’esprit, mais la trace chimique d’une réalité qui fut, qui fut vraiment – et c’est peut-être pour cette raison qu’elle nous fait battre le cœur.” Hélène Gestern
L'Affiche rouge
Benoît Rayski [Nouvelle édition, revue et augmentée]
Ils étaient jeunes, à peine sortis de l’adolescence, beaux, courageux bien sûr, et juifs pour la plupart. Ils étaient vingt-trois et vingt-deux d’entre eux furent fusillés par les nazis le 21 février 1944 au mont Valérien, tandis que la seule femme du groupe, Olga Bancic, sera décapitée quelques mois plus tard à Stuttgart. L’affiche aux couleurs de sang, placardée sur les murs de France par la propagande allemande, montrait leurs visages torturés et les stigmatisait comme une repoussante «armée du crime». De leur combat héroïque, Aragon fit un poème chanté par Léo Ferré. Un mythe était né.
Ce récit superbe évoque le monde d’où ils venaient : le 11e arrondissement de Paris, quartier populaire juif et rouge, les bals du 14-Juillet, les jeunesses communistes, le yiddish qu’ils apprenaient après l’école. Et surtout la France qu’ils aimaient tant. Immigrés certes, étrangers évidemment, mais français, très français, comme plus personne n’ose l’être aujourd’hui.
En veilleur inlassable doublé d’un essayiste brillant, Benoît Rayski, dont le père dirigeait la section politique des FTP-MOI, l’organisation militaire du Parti communiste pour les étrangers, ressuscite, le temps d’un livre, ce monde englouti, bouleversant de chaleur et de générosité. Un voyage qui permet de capter un peu de la lumière qui illuminait les vingt-trois de l’Affiche rouge.