Au NON des femmes - Libérer nos classiques du regard masculin
Livre de Jennifer Tamas
Rien ne semble plus incongru que de prendre appui sur la société d’Ancien Régime pour penser le refus féminin. Assignées au devoir de « réserve » par les traités de civilité et au silence ou à la « feinte résistance » par les codes de séduction, les héroïnes de la littérature classique n’auraient rien à nous transmettre, surtout pas le pouvoir de dire « non ». On aurait pu croire l’affaire pliée sans la sagacité de Jennifer Tamas. Car, à leur manière, les femmes du Grand Siècle ont résisté, elles ont désobéi, et de ces combats à bas bruit il demeure des traces. Sous les images de princesses endormies célébrées par l’industrie du divertissement se cachent de puissants refus, occultés par des siècles d’interprétations patriarcales. Jennifer Tamas les exhume avec courage et subtilité, elle traque l’expression du féminin sous le regard masculin et tend savamment l’oreille vers le bruissement des voix récalcitrantes. Conviant les figures dissidentes des siècles anciens, du Petit Chaperon rouge à Bérénice, elle vivifie le discours féministe et trouve chez Marilyn Monroe le secret d’Hélène de Troie. Elle révèle ainsi, non sans un brin d’irrévérence, un magnifique matrimoine, trop longtemps séquestré dans les forteresses universitaires.
Je suis dehors - Quelle vie pour les femmes après la prison ?
Livre d'Elvire Emptaz
Quatorze femmes brisent un tabou : la sortie de prison. Car la libération, angle mort de la politique carcérale, se révèle bien plus périlleuse que pour les hommes.
Il faudra réapprendre les gestes du quotidien. Renouer avec le corps. Beaucoup ne porteront plus de bleu, la couleur des gardiens.
D’autres achèteront du parfum capiteux pour oublier l’odeur.
Certaines retrouveront leurs enfants, devenus grands.
Dehors, c’est un terrain miné, surtout pour les victimes de violences conjugales, qui ont vécu la prison comme un répit.
Ces voix déchirantes s’élèvent grâce au talent d’Elvire Emptaz. Leïla Slimani, qui préface le livre, ne s’y est pas trompée : il fallait cette délicatesse pour écrire, enfin, ces destins tranchés à la lumière du jour.
Une note de lecture
dans L'OBS
L'Ukraine en toutes lettres
Livre de "Brigades éditoriales de solidarité"
Sur chaque sujet, un éclairage court et précis : événements, villes, personnages, sujets de société, etc. Les notices nous emmènent des deux côtés du front, en Ukraine bien entendu, mais aussi en Russie et au Bélarus et nous font découvrir des sujets, présentés parfois sous des aspects inattendus ou originaux.
Un parcours au travers d’une guerre dévastatrice qui n’en finit pas. Une galerie de portraits d’Ukrainien·nes engagé·es dans la défense de leur pays.
L’Ukraine en toutes lettres apporte un éclairage senseible sur la réalité humaine de la résistance ukrainienne. Cette résistance qui fait l’objet également de notices qui l’abordent sous différents aspects : résistance militaire et résistance civile.
Les acteurs sociaux sont également présents : mouvements syndicaux, féministes, LGBT+, culturels…
Du côté de l’agresseur, la Russie, ses sanglants méfaits sont mis en accusation. Ses massacreurs y sont montrés du doigt, ainsi que ses hommes de pouvoir. Leur idéologie donne lieu à plusieurs entrées.
En ce qui concerne la solidarité internationale avec l’Ukraine, plusieurs exemples sont mis en avant, notamment les convois syndicaux qui se sont rendus en Ukraine pour apporter une aide matérielle aux syndicats ukrainiens.
L’ouvrage est illustré de couvertures de livres ukrainiens parus entre 1910 et 1930. L’histoire de l’édition ukrainienne est douloureuse car elle se mêle à l’histoire de l’oppression nationale du pays. Cependant, pendant une brève période, l’édition ukrainienne a connu un âge d’or où les titres en ukrainien se sont multipliés. Au cours de cette période, « l’art du livre a commencé à se développer comme un ensemble artistique unique », explique Marcela Mozhina, spécialiste de la typographie ukrainienne.
531 notices, de A à Z, l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Dans tous ses aspects, militaire, social, économique, historique, culturel… Une radioscopie alphabétique en couleurs d’un conflit et de ses acteurs.
Nein, Nein, Nein ! - La dépression, les tourments de l'âme et la Shoah en autocar
Livre de Jerry Stahl
En septembre 2016, l’inénarrable Jerry Stahl touche le fond. La dépression qui le ronge depuis toujours est au plus haut, sa carrière et sa vie personnelle au plus bas. Lorsqu’il découvre au détour d’une improbable alerte Google « Holocauste » que des tours opérateurs organisent des voyages en car à travers l’Allemagne et la Pologne sur les lieux de la tragédie, il décide de s'inscrire. S’il ne peut soigner sa dépression, il ira la nourrir en compagnie de ces étranges « touristes des camps de la mort ». Roadtrip collectif dément, entre introspection récalcitrante et expérience post-gonzo, « Nein, Nein, Nein ! » se présente comme une enquête corrosive et hilarante sur le rapport disneylandisé aux lieux de mémoire, où Jerry déploie toutes les nuances de son humour tordu absolument unique.
Voyage à rebours
Livre de Jacob Glatstein
1934. Yash (surnom de l’auteur) embarque à New York sur un bateau pour retourner vers sa ville natale, Lublin, en Pologne. Le voyage le mène au Havre, où il descend du bateau, prend le train, passe par Paris. Là, il retrouve des amis artistes ou écrivains yiddish au Dôme, à Montparnasse. Toujours en train, il traverse l’Allemagne – devenue nazie l’année précédente – avant d’arriver en Pologne.
Si Jacob Glatstein ne sait pas encore la catastrophe qui va s’abattre sur l’Europe, son récit dresse déjà la photographie d’un monde en train de pousser celui de son enfance dans le précipice.
Ce récit du retour au pays natal est une véritable galerie de portraits de personnages, juifs et non-juifs, du Nouveau et de l’Ancien mondes.
Chambre 152
Livre d'Isabelle Rossignol
"Un très beau récit, très fin, voire poétique, et très fort, vrai, sans mièvrerie, sur un sujet sensible. Un sujet traité avec délicatesse même si la narratrice ne lâche rien, se défend bec et ongles face au silence ou aux réponses méprisantes et/ou condescendantes, au rouleau compresseur de l’équipe médicale. Un plaidoyer pour le droit à une fin de vie sans acharnement, sans souffrances inutiles. Un récit qui peut sans doute aider les familles qui vivent ces moments douloureux."
"Dans la lignée de la politique éditoriale de la maison, l’auteure confirmée de romans et de livres pour la jeunesse Isabelle Rossignol donne ici une forme brève très personnelle sur les dernières semaines de sa mère. La colère et la douleur affleurent partout dans ce texte très fort."
Jours gris et nuages d'acier sur l'Ukraine
Livre de Bernard Dréano
On lira dans cet ouvrage plusieurs récits sur la guerre en Ukraine et l’état du monde, volontairement subjectifs, nourris d’expériences personnelles, de témoignages, du passé proche et du présent tragique.
Son auteur évoque les mouvements antiguerre de Russie et du Bélarus, les dénis et les silences d’une partie des forces progressistes. Il pose, pour lui-même et à chacun d’entre nous, les questions de la pratique de la solidarité internationale et de la lutte pour la paix et la sécurité.
Comment exfiltrer un nouveau-né et sa mère coincés quelque part au sud de Kharkiv ? Comment faire sortir une journaliste et sa famille de Moscou ? Comment aider des étudiants nigériens fuyant l’Ukraine et se retrouvant confrontés au racisme des institutions d’Europe ? Comment soutenir des réfugié·es en Pologne ? Comment avoir des nouvelles des ami·es ?
Comment informer et faire comprendre ce que disent les dissidents russes et les résistants ukrainiens.
Un pays de barbelés - Dans les camps des réfugiés espagnols en France, 1939
Livre de Vladimir Pozner
Fin de la Guerre d'Espagne, les antifranquistes refluent vers la frontière franco-espagnole... En mars 1939, l'écrivain, journaliste et militant antifasciste Vladimir Pozner (1905-1992) arrive à Perpignan. Missionné par le Comité d'accueil aux intellectuels espagnols, il s'apprête à sillonner la région (Ariège, Aude, Pyrénées-Orientales) durant deux mois, afin de sortir des camps, érigés à la hâte par l'administration française, les intellectuels qui y sont internés.
Notes prises sur le terrain, lettres, témoignages, coupures de presse, cartes postales et photographies - tous documents d'époque conservés par l'écrivain - constituent la matière de ce livre inédit, en forme de puzzle documentaire
Simón
Livre de Miqui Otero
Ce livre est le roman d’une vie. Celle de Simón, au rythme de Barcelone. Le petit garçon fait ses premiers pas dans le bar familial, son cousin Rico le prenant sous son aile et lui faisant voir le monde sous l’angle du merveilleux. Mais un jour, Rico disparaît. Simón doit alors se confronter à la réalité, et grandir. Et si l’existence qu’il avait menée jusqu’à présent n’était qu’un leurre ? S’il s’était perdu dans les artifices habilement mis en scène par son cousin ? Peut-être est-il aujourd’hui prêt à recommencer de zéro, cette fois-ci pour de bon… avec le roman de sa vie. La sienne, enfin.
Au cœur d’une Barcelone (é)mouvante, de la veille des Jeux olympiques d’été de 1992 jusqu’au printemps 2018, en passant par les attentats des Ramblas, le lecteur suit une génération entière racontée à travers ce personnage candide, charismatique et amoureux, à la fois Petit Prince et jeune Quichotte des temps modernes. Dans ce formidable roman d’aventures, l’auteur questionne notre rapport, si mystérieux, à la fiction depuis l’enfance.
Il suffit de traverser la rue - Petite saga des années 2010
Livre d'Eric Faye
Années 2010, un journaliste vit de l’intérieur les convulsions de l’entreprise de presse pour laquelle il travaille depuis un certain temps : rachat, brutalité managériale, obsession du profit envers et contre tout... À l’occasion d’un plan de départs volontaires, il prend ses cliques et ses claques en saisissant au vol une opportunité de reconversion professionnelle. Mais, dans les méandres des organismes de formation qui sont un business à part entière, rien ne va se passer comme prévu, sous le regard de l’ex-homme d’information qui est aussi poète à ses heures perdues.
Au fil de ce roman, Eric Faye brosse le tableau d'une classe moyenne incapable de résister à l'offensive néo-libérale et de se mobiliser lorsqu'elle est attaquée.
Une sortie honorable
Livre d'Eric Vuillard
La guerre d'Indochine est l'une des plus longues guerres modernes. Pourtant, dans nos manuels scolaires, elle existe à peine. Avec un sens redoutable de la narration, "Une sortie honorable" raconte comment, par un prodigieux renversement de l'histoire, deux des premières puissances du monde ont perdu contre un tout petit peuple, les Vietnamiens, et nous plonge au coeur de l'enchevêtrement d'intérêts qui conduira à la débâcle.
Sa préférée
Livre de Sarah Jollien-Fardel
Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, apprend tôt à esquiver la brutalité perverse de son père. Si sa mère et sa sœur se résignent aux coups et à la déferlante des mots orduriers, elle lui tient tête. Un jour, pour une réponse péremptoire prononcée avec l’assurance de ses huit ans, il la tabasse. Convaincue que le médecin du village, appelé à son chevet, va mettre fin au cauchemar, elle est sidérée par son silence.
Dès lors, la haine de son père et le dégoût face à tant de lâcheté vont servir de viatique à Jeanne. À l’École normale d’instituteurs de Sion, elle vit cinq années de répit. Mais le suicide de sa sœur agit comme une insoutenable réplique de la violence fondatrice.
Réfugiée à Lausanne, la jeune femme, que le moindre bruit fait toujours sursauter, trouve enfin une forme d’apaisement. Le plaisir de nager dans le lac Léman est le seul qu’elle s’accorde. Habitée par sa rage d’oublier et de vivre, elle se laisse pourtant approcher par un cercle d’êtres bienveillants que sa sauvagerie n’effraie pas, s’essayant même à une vie amoureuse.
Dans une langue âpre, syncopée, Sarah Jollien-Fardel dit avec force le prix à payer pour cette émancipation à marche forcée. Car le passé inlassablement s’invite.
Sa préférée est un roman puissant sur l’appartenance à une terre natale, où Jeanne n’aura de cesse de revenir, aimantée par son amour pour sa mère et la culpabilité de n’avoir su la protéger de son destin.
Une simple histoire de famille
Livre d'Andréa Bescond
Faire en sorte que la vérité anéantisse la douleur. Confronter les secrets, pour être enfin libres et en paix. »
Louisette, Hervé, Lio : trois personnages avec pour héritage la violence et les secrets de famille. Prisonniers des non-dits, lequel d’entre eux brisera le silence ?
Du Finistère des années 1960 au Paris d’aujourd’hui, Andréa Bescond, l’autrice des Chatouilles, immense succès au théâtre et à l’écran, retisse le fil de ces destins brisés, trois générations qui refusent, par leurs choix, la transmission des tragédies. Ce premier roman poignant questionne les rapports homme-femme, les ravages du chagrin, le désir de vengeance et invite, par-delà la douleur, à une possible renaissance.
Vivre sous la menace - Les sans-papiers et l'Etat
Livre de Stefan Le Courant
La politique de contrôle migratoire ne s’exerce pas uniquement aux frontières, sur le territoire national elle continue d’œuvrer en séparant celles et ceux qui bénéficient d’un séjour régulier des autres qui en sont dépourvus. Elle trace des démarcations intérieures invisibles et implacables quand le spectre de la frontière hante le quotidien des personnes qui chaque jour risquent l’expulsion. En ethnographe, Stefan Le Courant tente de saisir les conséquences intimes de ce gouvernement par la menace.
Après une enquête de plusieurs années auprès d’une quarantaine de sans-papiers, l’auteur restitue avec humanité leur expérience ; il raconte des vies façonnées par la crainte de l’arrestation ou de la dénonciation. Si la menace est, pour celui qui l’exerce, une manifestation de son pouvoir de nuire sans exécution immédiate, pour celui qui y est exposé, elle se traduit par une conscience aiguë et permanente du danger. Obsédante, cette menace pousse à privilégier la solitude et la méfiance ; elle transforme l’environnement proche en un monde de signes potentiellement redoutables : le ton d’une voix, la couleur d’un uniforme, la question d’un camarade de chambre, tout peut être un indice qu’il devient crucial de savoir exploiter. En cherchant à appréhender cette présence qui se dérobe, à vivre la vie d’un sans-papier, l’auteur livre un récit immersif aussi original qu’inédit.
Des vies pour l'égalité - Mémoires d’ouvriers immigrés
Livre d'Abdellah Fraygui, Abdallah Moubine, Vincent Gay
Dès les années 1950, la France fait venir massivement des ouvriers immigrés de ses colonies et bientôt de ses anciennes colonies, cette vague migratoire succédant à celles qui, depuis la fin du 19e siècle, ont constitué une composante essentielle de la classe ouvrière. L'industrie automobile a particulièrement utilisé cette main-d’œuvre immigrée, notamment en région parisienne, ou toutes les usines ont vu affluer des travailleurs algériens d'abord, puis marocains, tunisiens, venus d'Afrique subsaharienne, de Turquie et de bien d'autres pays.
Ces travailleurs immigrés n'ont pas seulement apporté une contribution essentielle au développement industriel de la France durant les Trente Glorieuses. Ils ont également été, pour une partie d'entre eux, des militants de l’égalité, nombreux à s'engager dans des associations, à devenir syndicalistes, à animer des grèves, à représenter leurs collègues.
Abdellah Fraygui et Abdallah Moubine furent de ceux-là. Immigrés marocains arrivés en France à la fin des années 1960 et au début des années 1970, ils découvrent les usines françaises, le travail à la chaîne, la dureté des conditions de travail, la répression contre les syndicalistes, le racisme... Mais également des opportunités pour lutter, revendiquer, se battre pour sa dignité, dans les usines et dans leurs quartiers.
Des vies de luttes qu'ils livrent ici dans un récit à deux voix.
La voix de la vie
Livre d'Edith Bruck (Poèmes)
L’œuvre poétique d’Edith Bruck est indissociable de son œuvre narrative, elle puise dans sa vie de déportée hongroise et d’émigrée en Italie l’essentiel de son inspiration, faite de souvenirs, de prises de position personnelles et politiques, de réflexions sur la société et sur les choix de vie et sur sa vie familiale et conjugale.
Le Refus
Livre d'Olivier Alban LIECHTI
En juin 1956, le soldat du contingent Alban Liechti fait signer par 31 de ses camarades appelés en Algérie une lettre au président Guy Mollet. Elle lui rappelle ses propos de « parvenir dans les plus brefs délais au cessez-le-feu » dans une guerre qu’il avait qualifiée « d’imbécile et sans issue ». Le 2 juillet, il s’adresse au président de la République, René Coty, citant la Constitution qui stipule que la France n’emploiera pas ses forces contre la liberté d’aucun peuple, et annonce : « Je ne peux prendre les armes contre le peuple algérien en lutte pour son indépendance. » C’est le début de l’affaire des « soldats du refus » qui marqua un tournant de l’histoire de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, et que ce livre raconte.
Totalement inconnu
Livre de Gaëlle Obiégly
Quand on est hôtesse d’accueil, être à l’écoute fait partie du quotidien. C’est donc tout naturellement que la narratrice prête l’oreille à la voix mystérieuse qui, un beau jour, se met à lui donner des instructions, à lui annoncer d’étranges visites, à faire surgir en elle des images déroutantes, comme autant d’impressions de déjà-su…
Comment peut-on être intimement convaincu de connaître la Finlande dans ses moindres recoins alors qu’on n’y a jamais mis les pieds ? Comment peut-on savoir ce que c’est d’être mort alors qu’on est encore vivant ? À se laisser aller au fil décousu des souvenirs et des pensées, on découvre qu’on en sait toujours beaucoup plus que ce qu’on croyait savoir, et on s’expose ainsi à accueillir d’autres que soi, notamment le soldat inconnu.
Avec ce monologue envoûtant, Gaëlle Obiégly nous happe dans une fantastique enquête interrogeant, avec une gravité mêlée d’humour et d’émotion, la place que nous occupons dans le monde et au sein de notre propre existence.
Enfin libre - Grandir quand tout s'écroule
Livre de Lea Ypi
Lea Ypi est née en Albanie, le plus fermé et le plus stalinien des États satellites de l’Union soviétique en Europe. Ses parents, assoiffés de liberté, ont épousé la cause de la démocratisation dès la chute du régime honni. Aujourd’hui, Lea Ypi enseigne le marxisme dans une prestigieuse faculté de Londres.
Les jalons de ce parcours inattendu sont posés dès l’enfance. Dans une passionnante autobiographie politique, écrite à hauteur d’enfant, l’autrice décrit son amour des pionniers et du leader Enver Hoxha, sa fascination pour les réclames sur la télé italienne captée clandestinement, les files d’attente devant les magasins, les premières cannettes de Coca et la relation pleine de complicité avec sa grand-mère, fille de pacha de Thessalonique qui lui enseigne le français. En 1990, tout bascule. Ses parents, délivrés de leurs « origines bourgeoises », s’engagent en politique. Mais très vite, c’est l’ébranlement de tout un pays sous le choc néo-libéral. Rien n’est plus comme avant. Les usines ferment, tous cherchent à rejoindre l’Italie, les fusils font la loi. La jeune fille est prise dans un tourbillon politique qui est aussi un vacillement intime : qu’est-ce qu’être libre ?
Un magnifique récit aussi poignant que cocasse.
De Warszawa à Belleville - Itinéraires de vies
Livre de Marie-Noëlle Postic et Catherine Rafenberg
Les itinéraires de vies de ce livre renvoient certes à des trajectoires spécifiques mais, en réalité, l'histoire des Rafenberg, Kac, Rymer, Flak est celle de milliers de familles juives d'origine polonaise, prises dans la fureur antisémite du nazisme et de la collaboration vichyste, celle de nombreux immigrés juifs de la mythique Mitteleuropa.
Après une carrière au département de sociologie du CNRS, en tant qu'ingénieur d'études, Marie-Noëlle Postic vit et écrit dans un petit village du Finistère. Catherine Rafenberg est artiste-peintre. Au décès de sa grand-mère, elle a trouvé dans un sac à main des photos de familles, authentiques viatiques sur le chemin de l'exil. De cette découverte a découlé pour elle la nécessité de se lancer sur les traces de ces gens, à la fois si proches et tellement méconnus.
Seule
Livre de Nesrine Slaoui
A la mort d'Anissa qu'elle était trop loin pour empêcher, Nora décide d'en finir radicalement avec la violence des hommes.
Inspiré de deux faits réels sans rapport entre eux mais habilement rapprochés par la fiction, Seule nous plonge au cœur de problématiques hélas ancestrales comme le racisme, le sexisme et les violences faites aux femmes, sous un prisme toutefois résolument contemporain, où les réseaux sociaux, la pornographie, mais aussi un début de prise de conscience semblent devoir rebattre les cartes.
Deux vies en parallèle. Celle d’Anissa, une adolescente qui vit à Argenteuil, et celle de Nora, trentenaire parisienne.
La première est victime d’un harcèlement scolaire violent et finira par en mourir. La deuxième lutte sur tous les fronts à la fois, contre le sexisme et le racisme qu’elle endure au quotidien, et pour ne pas se laisser broyer par une relation de couple nocive. Qu’est-ce qui les lie, sinon bien sûr de subir la brutalité du monde ? Et jusqu’où faudra-t-il aller pour en finir avec la violence des hommes ? Inspiré de faits réels qui s’éclairent l’un l’autre par le détour de la fiction, Seule nous plonge au cœur de multiples problématiques contemporaines, de l’addiction aux réseaux sociaux à l’intériorisation des comportements genrés, et jusqu’au sujet complexe entre tous de la légitime défense de femmes en danger de mort.
05/01/2023
Les sources
Livre de Marie-Hélène Lafon
La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l'érable, mais elle n'entre pas dans la maison. Elle n'y entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l'après-midi avait été battu de vent froid et mouillé comme c'est parfois le cas aux approches de la Toussaint, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu'elle a de la chance avec la lumière d'octobre, la cour de la maison, l'érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu'à elle dans l'air chaud et bleu.
Années 1960. Isabelle, Claire et Gilles vivent dans la vallée de la Santoire, avec la mère et le père. La ferme est isolée de tous.
Le Paris de Georges Perec - La ville mode d'emploi
Livre de Denis Cosnard
En 1981, Georges Perec s’interroge : doit-il dire « j’habite Paris », « j’habite à Paris », « j’habite la capitale », « j’habite la Ville lumière », ou encore « j’habite la ville qui jadis s’appelait Lutèce » ?
Tel est le Paris de Perec. Un lieu où vivre, mais aussi un terrain de jeu, d’expérimentation et d’écriture. Une ville puzzle, coupée en morceaux par « l’histoire avec sa grande hache », et dont les pièces éparses demandent à être patiemment assemblées : le Belleville pauvre de la prime enfance, le 16e arrondissement cossu de l’adolescence, le Quartier latin de l’âge adulte, les cafés, les appartements amis…
Avec Perec, Paris devient texte. La ville de papier trouve son mode d’emploi.