La Promesse
Livre de Marie de Lattre
Marie grandit dans un appartement semé de cachettes, car on ne sait jamais. Dans la table de nuit parentale, une étoile jaune prend la poussière. Aux murs figurent des tableaux muets.
Jacques, son père, est médecin. Il a la gaieté angoissée. Pour évoquer son enfance, il s’enferme dans un silence intransigeant. Pourquoi ?
Lorsqu’il disparaît, Marie hérite d’une enveloppe. Dedans, des lettres d’amour à l’orthographe incertaine, et une supplique, griffonnée au crayon, en 1943 : « N’oublie pas l’enfant. » Qui l’a écrite ? Et à qui s’adresse-t-elle ?
Quatre destins se rencontrent dans ce récit. Un secret les lie qui, aujourd’hui encore, stupéfie.
La Promesse dit l’amour filial, l’instinct de survie, la violence née du silence, et la réconciliation entre des générations.
Clochard des mers
Livre de Joé Seeten - propos recueillis par Silke Godier
Laissons-nous embarquer dans les aventures et le parcours du dunkerquois Joé SEETEN, navigateur passionné et maître voilier, qui ne laissent pas indifférent. Commençant par la naissance de sa passion, en passant par son palmarès de skipper, d'abord amateur, puis professionnel et la création de son entreprise, l'histoire de Joé est loin d'être terminée.
Mon accident lors de la Route du Rhum en 2006 a mis fin à ma carrière de navigateur professionnel. J’ai rebondi sur d’autres projets. Aujourd’hui, je vous propose de découvrir mon parcours au travers de ce récit complété de photographies au travers du regard de ma biographe, Silke Godier.
Poétiques et politiques du témoignage dans la fiction contemporaine
Livre de Armel Jovensel Ngamaleu, Alain Ekorong et Christophe Prémat
Le présent ouvrage a pour ambition de contribuer à une meilleure articulation des liens entre fiction et témoignage. Il présuppose que l’oeuvre littéraire, lorsqu’elle est lue autrement, constitue un lieu efficace de restitution de la vérité. En effet, les contributions de l’ouvrage partent toutes de la volonté d’une lecture de l’inéligible, une lecture de l’inexprimable, de l’indémontrable vérité, celle qui ne peut être affirmée qu’entre parenthèses, comme sous-titre, recul, pour repenser la manière dont la littérature témoigne. L’ouvrage réaffirme surtout l’idée que le témoignage déborde le cadre historique et juridique pour se constituer en tâtonnement vers l’inconnu, vers l’imprévu, vers des territoires non explorés, en quête de ce qui est vrai, et qui va au-delà de ce que nous appréhendons comme vérité. Le présent ouvrage montre que ce que la fiction fait au témoignage, c’est lui éviter de se faire doubler par une introduction – l’histoire introduit – et de réussir à parler éternellement pour ceux et celles qui ne peuvent le faire. L’ouvrage théorise avec force que la fiction littéraire libère le témoignage de l’opposition entre vérité et duplicité, car elle seule est à même de rendre obsolète la question de savoir si oui ou non le témoin dit la vérité. Nous affirmons que, peut-être, seule la fiction dit toute la vérité, permet de nous sacrifier nous-mêmes pour la vérité, jusqu’aux limites mêmes de l’innocence.
Jean-Luc et Jean-Claude
Livre de Laurence Potte-Bonneville
Dans ce café d’un petit bourg où Jean-Luc et Jean-Claude ont la permission, tous les jeudis, de venir boire un verre (sans alcool), les choses prennent ce jeudi un tour inhabituel.
D’abord, il y a ce gars, ce jeune gars aux cheveux si blonds, qui émerveille les deux amis parce qu’il vient d’Abbeville. Et puis demain c’est vendredi, le jour de l’injection retard de Jean-Luc, qui sent en lui quelque chose gronder. Peut-être un écho de la tempête qui vient de balayer tout le canton, et qui met en danger les phoques de la baie, pour lesquels Jean-Claude se fait tant de souci… Il suffira d’un rien, d’une contrariété, un billet de loto qu’on refuse de valider à Jean-Claude pour que tout se dérègle. Sous la pluie battante, le gars blond prend les deux amis en voiture. Au Foyer, où ils ne sont pas rentrés à 18 heures, l’inquiétude monte. Il faut prévenir les gendarmes.
Où vont-ils ? On ne sait pas très bien, au PMU peut-être. Et ce gars, que leur veut-il, à eux qui sont si vulnérables ?
Du souci, il en sera beaucoup question dans cette histoire dont une vieille dame et une phoque sont les témoins silencieux, et les collégiens d’une classe découverte des témoins beaucoup plus agités. Sur le parking d’Intermarché, ça ne se passe pas très bien. Faut-il partir encore plus loin, là où la virée pourrait devenir dangereuse ?
On cherchera des abris. Les trouvera-t-on ?
Aujourd’hui, c’est vigilance orange. Demain c’est vendredi. Le jour de voir les phoques ?
Laurence
Potte-Bonneville
sera aux BOUILLONS
le 23 mars 2023
Mécano
Livre de Mattia Filice
« J’ai, d’une certaine manière, tenté de dresser le portrait d’un héros d’une mythologie qu’il nous reste encore à écrire », explique l’auteur de ce premier roman, rédigé à la fois en prose et en vers. Le narrateur pénètre, presque par hasard, dans un monde qu’il méconnaît, le monde ferroviaire. Nous le suivons dans un véritable parcours initiatique : une formation pour devenir « mécano », conducteur de train. Il fait la découverte du train progressivement, de l’intérieur, dans les entrailles de la machine jusqu’à la tête, la cabine de pilotage. C’est un monde technique et poétique, avec ses lois et ses codes, sa langue, ses épreuves et ses prouesses souvent anonymes, ses compagnons et ses traîtres, ses dangers. On roule à deux cents kilomètres à l’heure, avec la peur de commettre une erreur, mais aussi avec un sentiment d’évasion, de légèreté, sous l’emprise de centaines de tonnes. Le roman de Mattia Filice épouse le rythme et le paysage ferroviaires, transmute l’univers industriel du train, des machines et des gares en prouesse romanesque, dans une écriture détournée, qui emprunte autant à la langue technique qu’à la poésie épique. Mais c’est aussi un apprentissage social, la découverte du monde du travail, et parfois la rencontre de vies brisées. Un étonnant roman de formation, intime et collectif, où les plans de chemin de fer, les faisceaux des voies, décident de nos mouvements comme de nos destins, où se distinguent et se croisent vers et prose.
95
Livre de Philippe Joanny
1995. Il n’existe aucun traitement efficace contre le sida. Les malades tombent les uns après les autres dans l’indifférence générale. Parmi ceux qui sont touchés, donc condamnés, certains n’ont plus la force d’attendre le remède qui pourrait les sauver. Plutôt que de crever comme des chiens dans un lit d’hôpital, ils optent pour une solution radicale : ils préfèrent partir en beauté. Le cocktail est toujours le même, encore plus de fête, plus de drogue et plus de sexe. L’apothéose, et puis la chute finale.
Un dimanche midi, après une nouvelle nuit infernale, Alex et Lucien rentrent et s’endorment sur le canapé. Cette fois, Alex ne se réveille pas, il fait un arrêt cardiaque dans son sommeil. La semaine qui suit, Philippe, Willy, Léon, Hervé, Adam et Denis, les copains défilent auprès de Lucien. Le temps est suspendu par la mort d’Alex, et pourtant la vie suit son cours, imperturbable, Philippe fête son anniversaire, il prend un nouvel appartement… Le samedi, toute la bande part enterrer Alex en Normandie. Ils se chauffent avant le départ pour se donner du courage, et débarquent à l’église fin saouls. Quand ils découvrent ce que la famille a fait des obsèques de leur fils, le choc est brutal. La cérémonie vire au supplice.
Cinq ans plus tard, Philippe s’adresse à ses amis. Willy, Léon, Hervé, Adam, Denis… à chacun, il pose deux questions : Comment as-tu connu Alex ? Quels souvenirs as-tu gardés de cette semaine ? Entremêlé de leurs paroles, Quatre-vingt-quinze est le récit de ces folles journées, mélange d’euphorie et de désespoir. C’est l’histoire d’une fin de partie qui fut aussi une fête permanente, une célébration de l’amitié, une philosophie de l’urgence vitale. Un tombeau poignant et sublime pour tous les disparus, pour un quartier, une culture, une époque révolue.
Éloge des loges - Histoires vraies de gardiennes et gardiens d’immeubles parisiens
Livre de Jean-Michel Djian et Aude de Tocqueville
Pour comprendre et apprécier le métier de gardien ou de gardienne, il faut dépasser la rumeur sourde des cages d’escaliers, jeter un œil panoramique sur les parties communes, lire les règlementations affichées dans les halls, observer tous les recoins de la loge et entamer une bonne conversation avec le maître des lieux.
C’est le résultat de ce travail qui est ici narré sous la forme d’une vingtaine de portraits. Des récits de vie souvent étonnants et qui battent en brèche quelques idées reçues sur une profession méconnue, voire ignorée. Une bouffée d’humanité au cœur du logement social parisien.
La littérature est un moyen de rendre les coups
Livre de Nicolas Mathieu et Richard Gaitet
Comment écrire sans trahir le milieu d’où l’on vient ? De sa première rédac’ au Goncourt reçu à 40 ans pour Leurs enfants après eux, en passant par ses « chocs » en lisant Céline, Manchette ou Annie Ernaux, Nicolas Mathieu revient sur la naissance de sa vocation, sa discipline quotidienne et les « coups » que la littérature « lui permet de rendre à la vie, qui nous en met pleine la gueule » le temps d’une conversation précise et généreuse. Une plongée passionnante dans la fabrique et les mondes intérieurs du petit bleu des Vosges, devenu l’une des figures montantes du roman contemporain, dont la colère contre « les mensonges, le tout falsifié » reste l’un des carburants, et qui dit avec joie avoir appris davantage en matant Les Soprano qu’en étudiant Tolstoï.
Alice Zeniter, une écrivaine au travail
Livre de Alice Zeniter et Richard Gaitet
L’art littéraire d’Alice Zeniter, de A à Z. Remarquée en CE2 par une autrice confirmée, publiant son premier livre à seize ans, cette romancière, dramaturge, metteuse en scène, traductrice et scénariste s’est imposée comme l’une des voix les plus stimulantes du paysage franco - phone. Aux Hébrides ou en Hongrie, au plus près des affects d’une hackeuse, d’anciens harkis ou d’une femme de ménage, les histoires d’A. interpellent, en sa qualité de membre honoraire de ce club d’écrivain·e·s qui refusent d’écrire toujours le même livre. Mais comment cette amoureuse éperdue des enquêtes de Sherlock Holmes travaille-t-elle au quotidien? De quelle façon sa pratique du théâtre influence-t-elle sa prose? Comment surmonter ses doutes quand on se trouve « écrasée par l’ampleur de ses sujets » ? Et qu’est-ce que « la stratégie de la semoule »? Un dialogue didactique, plein d’humour et de modestie, sur la fabrique de l’écriture.
À l'amie des sombres temps - Lettres à Virginia Woolf
Livre de Geneviève Brisac
Il est temps de vous écrire. De vous dire tout ce que je vous dois. Cette formule si belle est de vous, je vous le signale, et je l’adore.
Il est plus que temps de faire appel à vous pour comprendre le chaos où nous sommes plongées.
Vers qui se tourner quand le monde semble partir à la dérive ? Pour Geneviève Brisac, ce sera Virginia Woolf, cette amie des sombres temps à qui elle doit tant. Sous sa plume aiguisée, Virginia Woolf apparaît sous toutes ses facettes : débordant d’humour, visionnaire sans pareille, féministe avant l’heure et penseuse de génie.
À l’amie des sombres temps nous offre, en cette époque troublée, le précieux réconfort d’une figure nécessaire telle que Virginia Woolf qui, à la manière de Montaigne qu’elle aimait tant, nous aide à comprendre qui nous sommes et comment penser notre fragilité, nos chagrins, et à en faire de la beauté.
Coming out
Livre de Elise GOLDFARB et Julia LAYANI
« Dans les années 1990-2000, personne n’était gay à l’école. Personne n’était gay en colo. Personne n’était gay dans les dessins animés ni dans les films, personne n’était gay à la télé – sauf quelques personnalités stéréotypées à l’extrême et exclusivement des hommes, jamais de femmes –, personne n’était gay au gouvernement, personne n’était gay dans les églises, les mosquées ou les synagogues. Personne n’était gay, en fait. En tout cas, personne ne le disait ouvertement. »
Pour briser le silence, Bilal Hassani, Pomme, Jeremstar, Inès Rau, Laurent Ruquier, Céline Pham, Eddy de Pretto, Xavier Dolan, Aloïse Sauvage, Loulou Parfois, Augustin Trapenard mais aussi des personnes anonymes prennent la parole et racontent leur coming out ou celui d’un proche.
Comment révéler son homosexualité ou sa transidentité à sa famille, ses amis, ses collègues et parfois même son public ? À quel moment ?
Comment l’assumer ? Quelles clés de compréhension donner à son entourage ou à sa communauté religieuse ? Est-il nécessaire de le dire, tout simplement ?
Adapté du podcast phénomène Coming out, ce livre retrace des destins, des expériences et des générations différents. Ces paroles intimes deviennent une clameur universelle que personne ne peut oublier ou effacer.
La plus résistante de toutes
Livre de Nicole Bacharan
« La jeune fille naïve et téméraire qui, à l’été 1944, était emmenée, menottes aux poignets, au siège de la Gestapo, était celle qui, bien plus tard, deviendrait ma mère. Pourquoi ce choix ? Pourquoi, si jeune, avait-elle décidé de s’engager plutôt que d’accepter la fatalité de l’Histoire ? Comment avait-elle fait face à la Gestapo ? Qu’avait-elle tu ? Je me suis mise dans ses pas pour reconstituer le récit de ces années de l’ombre, quand elle fut héroïque et qu’elle ne le sut pas.
Cette l’histoire est aussi celle d’un amour. Au cœur de la France occupée, Ginette et Jean, le jeune juif flamboyant pour qui elle affronta tant de dangers, se promettaient de raconter un jour leurs aventures, la fureur de la guerre et de la haine, et leur passion immodérée de la liberté. Ce livre qu’ils n’ont pas écrit, c’est à moi qu’il revient aujourd’hui d’en remplir les pages. » N. B.
Mêlant l’intrigue romanesque et son propre cheminement sur les traces de sa mère, Nicole Bacharan raconte le destin bouleversant d’une jeune femme amoureuse qui, à dix-huit ans, s’engage dans l’un des plus grands réseaux de la Résistance et combat pour la liberté.
Les gens de Bilbao naissent où ils veulent
Livre de Maria Larrea
L’histoire commence en Espagne, par deux naissances et deux abandons. En juin 1943, une prostituée obèse de Bilbao donne vie à un garçon qu’elle confie aux jésuites. Un peu plus tard, en Galice, une femme accouche d’une fille et la laisse aux sœurs d’un couvent. Elle revient la chercher dix ans après. L’enfant est belle comme le diable, jamais elle ne l’aimera.
Le garçon, c’est Julian. La fille, Victoria. Ce sont le père et la mère de Maria, notre narratrice.
Dans la première partie du roman, celle-ci déroule en parallèle l’enfance de ses parents et la sienne. Dans un montage serré champ contre champ, elle fait défiler les scènes et les années : Victoria et ses dix frères et sœurs, l’équipe de foot du malheur ; Julian fuyant l’orphelinat pour s’embarquer en mer. Puis leur rencontre, leur amour et leur départ vers la France. La galicienne y sera femme de ménage, le fils de pute, gardien du théâtre de la Michodière. Maria grandit là, parmi les acteurs, les décors, les armes à feu de son père, basque et révolutionnaire, buveur souvent violent, les silences de sa mère et les moqueries de ses amies. Mais la fille d’immigrés coude son destin. Elle devient réalisatrice, tombe amoureuse, fonde un foyer, s’extirpe de ses origines. Jusqu’à ce que le sort l’y ramène brutalement. A vingt-sept ans, une tarologue prétend qu’elle ne serait pas la fille de ses parents. Pour trouver la vérité, il lui faudra retourner à Bilbao, la ville où elle est née. C’est la seconde partie du livre, où se révèle le versant secret de la vie des protagonistes au fil de l’enquête de la narratrice.
Stupéfiant de talent, d’énergie et de force, Les gens de Bilbao naissent où ils veulent nous happe dès le premier mot. Avec sa plume enlevée, toujours tendue, pleine d’images et d’esprit, Maria Larrea reconstitue le puzzle de sa mémoire familiale et nous emporte dans le récit de sa vie, plus romanesque que la fiction. Une histoire d’orphelins, de mensonges et de filiation trompeuse. De corrida, d’amour et de quête de soi. Et la naissance d’une écrivaine.
Fadimata tan Timbuktu
Livre de Fadimata walett Oumar
La vraie vie d’une femme touarègue du Mali : Un témoignage vivant du monde touareg d’aujourd’hui.
Fadimata walett Oumar, dite « Disco », est aujourd’hui connue comme musicienne, leader du groupe touareg Tartit, avec lequel elle fait le tour du monde.
Elle raconte ici son parcours, depuis sa naissance sur une dune du Sahara malien, au nord de Tombouctou, en passant par la vie au campement et son nomadisme, sa découverte des bourgs sahéliens où elle va à l’école, puis les années passées comme réfugiée, avec sa famille, au Burkina Faso et en Mauritanie, ses engagements dans l’humanitaire, dans la musique.
Elle raconte l’importance de la famille, des solidarités, de la culture. Une culture bousculée, secouée par les soubresauts du pays.
Femme touarègue, Fadimata est « le pilier de la tente ».
Paroles de migrants
Livre de Pauline Bandelier et Jean-Pierre Guéno
Des récits bouleversants qui éclairent sur les dysfonctionnements et les mutations du monde, mais aussi sur des parcours individuels uniques et des aspirations universelles. Riches d'enseignements, ces odyssées modernes, qui ne sont pas près de s'arrêter, nous interrogent sur nos valeurs et le monde que nous voulons.Des parcours humains « courageux, souvent douloureux, parfois exceptionnels », et qui révèlent la richesse et la diversité d'expériences humaines dont les discours politiques et médiatiques, qui font état ces dernières années de la « crise migratoire », ne rendent pas compte.
Depuis les années 90, l'immigration est devenue un problème majeur auquel il est urgent d'apporter des solutions. « Dans notre monde où l'aspiration à la circulation n'a jamais été aussi grande (), le besoin d'ériger des barrières n'a jamais été aussi fort » souligne la spécialiste des migrations internationales Catherine Wihtol de Wenden. C'est cette contradiction majeure qui est mise en lumière par Paroles de migrants.
Qui sont ces migrants qui débarquent dans notre petite ville ?
Livre de Brigitte Tregouet
Qui sont ces hommes, femmes ou enfants ayant traversé des frontières dans les conditions que l'on sait pour demander l'asile à notre pays ? D'où viennent-ils ? Et pourquoi arrivent-ils à La Roche-Sur-Yon, dans une petite préfecture de province ? Louisa, Blaise, Aminat, Djavganat, Antoine... Autant de prénoms, autant d'histoires singulières. Mais toujours une énergie, une indomptable volonté de vivre. Dans le cabinet de Brigitte Tregouet, médecin dans un quartier populaire où plus de 500 migrants ont consulté en 5 ans, malgré l'obstacle de la langue et de la différence culturelle, des liens d'une profondeur exceptionnelle se nouent. Au travers du récit de cette rencontre saisissante se disent les tragédies du pays de départ et du chemin de l‘exil qui ébranlent la soignante mais également la chrétienne engagée. L'auteure raconte aussi les embûches ici en France et les échecs mais évoque la lente intégration par le travail, l'école, le sport... Les liens qui se tissent, la découverte de la culture de l'autre avec toute sa richesse, sa spiritualité, nous emmènent dans un voyage surprenant. On y découvre aussi, cette manière joyeuse de dire merci, qui témoigne de cette culture de la fraternité, emportée dans la valise migratoire, ainsi que la profonde reconnaissance de ces exilés : « Tu es ma mère, tu es ma soeur. » Au travers de cette expérience intense et inattendue, une évidence se fait jour : les réfugiés d'aujourd'hui sont les français de demain. Avec eux, nous serons la France, et celle-ci sera belle si nous le voulons bien.
16/03/2023
Les rives de la mer Douce
Livre de Laura Alcoba
Le 14 mars 2021 à 15 h 50, Laura Alcoba longe la rive droite de l’Aven, entre Pont-Aven et le moulin du Hénan, lorsqu’elle voit à la surface de l’eau, entre les branchages et les rochers, le dessin d’un cœur. Le trouble de cette vision presque magique réveille sa mémoire. À l’Aven se superpose l’image du Río de la Plata, que les premiers navigateurs espagnols avaient nommé la mer Douce, tant le fleuve était vaste. Apparaissent alors, comme dans une promenade hallucinatoire, les moments essentiels de sa vie, ceux qui l’ont construite et ont fait d’elle une des écrivaines les plus talentueuses d’aujourd’hui. Toujours prise entre deux fleuves, deux langues, deux pays. Laura Alcoba n’a rien oublié de son enfance clandestine en Argentine. Ce voyage intérieur en forme d’autoportrait ressemble à un radeau qui conduit dans les points les plus sauvages et parfois les plus douloureux d’une vie.
Bruits et couleurs du temps - Une famille dans le temps soviétique
Livre d'Irina Scherbakova
Dans cet ouvrage, Irina Scherbakova retrace l’itinéraire de trois générations engagées dans le XXe siècle russe. Ses grands-parents, juifs, sont portés par l’élan révolutionnaire. Ses parents surmontent la guerre et l’antisémitisme. Ils rêvent d’un « socialisme à visage humain ». Sa génération, lucide sur le passé soviétique et portée par un espoir de changements, assiste à la chute du régime. Ancré dans la mémoire vive et intime d’une famille, ce récit éclaire de manière émouvante l’histoire de l’intelligentsia juive en Russie et, plus largement, le destin tragique de l’Union Soviétique.
Noopiming : remède pour guérir de la blancheur
Livre de Leanne Betasamosake Simpson
Face au colonialisme, les Autochtones doivent continuellement se fabriquer un « chez soi » et y retrouver un sentiment d’appartenance. Pour certains d’entre nous, ce ne sont que des aperçus, des moments furtifs. Parfois, il n’y en a que des fragments. Noopiming signifie « en forêt » en anishinaabemowin. Une constellation de personnages font leur chemin, retissant la relation avec la nature, le vivant, et les uns avec les autres, dans la jungle urbaine, où tout est possédé, emballé et consommé. Ancré dans la narration anishinaabe où les genres fixes n’existent pas et où la place est laissée à la transformation et au mouvement, Noopiming. Remède pour guérir de la blancheur est un acte de décolonisation, de dégentrification et de résistance aux mythes coloniaux.
La Boîte rouge
Livre de Antoni Campaña
L’œuvre d’Antoni Campañà n’est pas inconnue du grand public puisqu'il fut un des représentants du courant pictorialiste, et agit comme photographe pour des revues, auteur de cartes postales, photo-reporter, photographe de sport aussi. Son œuvre, réputée et estimée, est analysée dans de nombreuses études sur la photographie espagnole. Elle est aussi visible aussi dans la collection permanente du Musée National d’Art de Catalogne. Cet ouvrage dévoile pour la première fois les archives du photographe catalan consacrées à la guerre civile. Des archives cachées, découvertes après sa mort par ses enfants dans des boîtes rouges remisées dans le garage de sa dernière demeure qui allait être démolie. 80 ans plus tard, donc, pas moins de 5000 images, tirées ou sur négatifs, retrouvent la lumière. Chaque photographie présentée ici est expliquée et contextualisée. La Catalogne en guerre est le cœur du livre : un reportage d’une force inouïe, saisi sur le vif. Mais Antoni Campañà, républicain, démocrate et croyant, amoureux de son pays et de ses traditions, chronique aussi la vie quotidienne, à la ville et aux champs, les fêtes, qu’elles soient religieuses ou folkloriques, avec un fort accent catalan. En contrepoint, il offre aussi une vue sur le joug de la dictature en marche avec l’entrée des troupes franquistes à Barcelone : un impressionnant document qui montre les blessures externes et les brisures internes de son pays. Une édition conçue par le journaliste Plàcid Garcia-Planas, l’historien Arnau Gonzàlez Vilalta et le photographe David Ramos.
L'enfant rouge
Livre de Jean Védrines
Fils d’un héros de la Première Guerre mondiale, lui-même héros de la Seconde, électricien parce qu’il voulait vivre dans la lumière, communiste parce qu’il voulait changer le monde, le père est tout cela. Qu’en retiendra le fils ? Quel part de cet héritage immatériel acceptera-t-il de reprendre à son compte ?
Chantre de la révolte et de l’espoir acharné en un monde meilleur, Jean Védrines se lance avec L’enfant rouge dans une sorte d’archéologie des convictions, à la fois sévère et lumineuse, toujours placée sous l’exigence de la vérité.
Dans la famille, on dîne avec les héros : le grand-père aviateur, tombé en mission ; les anciens résistants, vivants ou morts, fiers d’être du « parti des fusillés » ; le père, qui côtoie Thorez au Comité central, l’accompagne à Moscou, et dont la parole résonne au Palais Bourbon comme devant les usines occupées.
De ce père ouvrier, le fils ne raconte pas la vie mais la légende : chaque défilé à drapeaux rouges, c’est Lénine et le père qui marchent en tête. Entre les vieilles pierres d’une ville de province, le fils entend souffler le grand vent qui vient de l’Est.
« Nous, on aime la vie ! clame le père. Celle qu’on a ici, sur terre. Nous, on est le parti des vivants, t’entends ? » Vraiment ?
Au fils, il semble pourtant que le père a son cortège d’ombres, celles qui l’ont suivi depuis le camp de prisonniers en Allemagne pendant la guerre. Mais pourquoi le Parti interdit-il d’en rien dire ? Romancier de la révolte et de la parole vive, Jean Védrines se lance avec L’Enfant rouge dans une archéologie des convictions, à la fois sévère et lumineuse, placée sous l’exigence de la vérité.
Zaatar
Livre de Sofía Karámpali Farhat
Un père militant, qui espère voir un jour un Liban libre et laïc. Une tante disparue à l’âge de dix-huit ans, sans réaliser son rêve de voir un jour la mer. Une grand-mère qui sème le zaatar, le thym sauvage, pour conjurer la guerre. Lorsqu’elle quitte son pays pour venir étudier en France, Sofía Karámpali Farhat choisit de confier sa vie à la poésie. Une poésie à l’image du zaatar : sauvage et parfumée, s’épanouissant fièrement même au milieu des décombres. Car malgré les bombes, les haines et les barbelés qui se dressent sur sa route, la poétesse ne courbe jamais l’échine. Au contraire, sa poésie est une invitation à résister, encore et toujours, à ceux qui tentent d’enfermer les corps et les esprits. Un premier recueil placé sous le double signe de la lutte et de la vie.
Frontières – Petit atlas poétique
Anthologie établie par Bruno Doucey et Thierry Renard - Préface de Bruno Doucey - Avant-propos de Sophie Nauleau
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l’esprit. La première renvoie à l’image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l’on traverse parfois au risque de sa vie. L’autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l’existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l’autre, sans oublier ces seuils que l’on franchit jusqu’à son dernier souffle. La poésie n’est pas étrangère à tout cela. Qu’elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l’âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
Le 21 mars 2023
à 20h
à la Maison de la Poésie
Une rencontre autour du livre avec
Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac
Accompagnés de Caroline Benz au piano
Z ou souvenirs d'historienne
Livre de Claire Zalc
Ce livre n'est pas une ego-histoire. Pas plus qu’un mémoire de synthèse. Claire Zalc s’empare avec originalité du motif de l’écriture rétrospective du « je » savant et transforme l’exercice en jeu de piste. Elle se souvient. Et d’abord d’avoir toujours lu et travaillé à partir de l’œuvre de Georges Perec.
Les affinités arbitraires et électives qui la lient à son histoire et à ses pratiques dessinent une approche du métier comme de la discipline. L’itinéraire de l’historienne rencontre celui de l’écrivain sans jamais se confondre avec lui.
De W à Z s’entrecroisent deux manières alternées de penser le retour d’expériences de soi, entre récit biographique et parcours académique. Ce n’est pas seulement un Souvenir d’enfance, d’adolescence, d’étudiante ou de jeune chercheuse confirmée. Le mode d’écriture inspiré et documentaire donne à voir l’infra-ordinaire de l’élaboration scientifique. Réécritures et relectures enchâssées composent un récit à la fois littéraire, intime et savant où affleure une histoire-science sociale.
Ici et ailleurs
Livre de Florence Aubenas
« On est le 6 décembre 2018, il est midi. Trois semaines que le mouvement a démarré, avec l’impression, ici, que tout ne fait que commencer. »
Qu’avons-nous traversé ces huit dernières années ?
De la révolte des Gilets jaunes à la vie quotidienne en Ukraine sous les bombes, en passant par le grand confinement, la virée en Thaïlande de deux cousins de région parisienne ou la fin tragique d’un éleveur tué par des gendarmes, Florence Aubenas raconte notre époque, au plus près du réel.
Florence Aubenas est grand reporter au journal Le Monde. Elle a notamment publié Le Quai de Ouistreham et L’Inconnu de la poste, qui ont connu un immense succès critique et public.
Boris, 1985
Livre de Douna Loup
Janvier 1985. Boris Weisfeiler, quarante-quatre ans, disparaît dans le Chili de Pinochet. Né en URSS au sein d'une famille juive, ce surdoué des chiffres s'était exilé aux États-Unis pour pouvoir exercer librement les mathématiques. Silhouette longiline, large sourire, il s'évadait souvent marcher seul dans les contrées les plus sauvages possibles.
2019-2020. Douna Loup, petite-nièce de Boris, veut comprendre cette disparition irrésolue. De Boston à Moscou en passant par le Chili, elle mène l'enquête, rencontre des témoins, rassemble des pièces à conviction. En nous transportant dans le Chili des années 80, elle nous entraîne aussi au plus intime d'elle-même.
Une vie heureuse
Livre de Ginette Kolinka avec Marion Ruggieri
Ginette Kolinka, qui va fêter ses 98 ans, habite le même appartement depuis qu’elle a dix ans.
Elle a toujours vécu là, rue Jean-Pierre Timbaud, au cœur de Paris, à l’exception de trois ans : de 1942 à 1945.
Cet appartement, c’est sa vie qui défile devant nos yeux. Il y a les portraits de ceux qui ne sont pas revenus de Birkenau : son père, son petit frère, son neveu.
Les disques d’or de son fils unique, Richard, batteur du groupe Téléphone.
Les photos de ses cinq sœurs, Ginette est la cadette, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants.
Les dessins des écoliers, à qui elle raconte désormais son histoire, tous les jours, aux quatre coins de la France.
Et même les meubles qu’ont laissés les « collabos ».
Ginette nous fait la visite.
On traverse le temps : l’atelier de confection de son père, la guerre, ce mari adorable et blagueur. Les marchés, qui l’ont sauvée. Et les camps qui affleurent à chaque page, à chaque pas.
Mais Ginette, c’est la vie ! Le grand présent. « On me demande pourquoi je souris tout le temps, mais parce que j’ai tout pour être heureuse ! »
La mort en échec
Livre de Isabelle Choko et Pierre Marlière
En septembre 1939, les Allemands envahissent la Pologne. Izabela Sztrauch, qui survivra et deviendra Isabelle Choko, a 11 ans. Son enfance s’arrête du jour au lendemain lorsqu’elle est envoyée dans le ghetto de Lódz avec ses parents. Elle y perd son père de malnutrition et de mauvais traitements. A 15 ans, elle est déportée à Auschwitz, puis à Waldeslust et Bergen-Belsen.
La peur et la nudité. Le travail forcé, le froid, les coups, la promiscuité, la faim. La maladie et la mort, partout. Mais aussi les quelques moments de grâce et de fraternité. Le courage d’un prisonnier de guerre qui prend tous les risques pour la garder en vie. Et l’amour qu’Izabela porte à sa mère, qu’elle tient dans ses bras jusqu’à son dernier souffle – sur le sol noir de Bergen-Belsen. Elle revient de l’enfer seule. Par une force hors du commun, elle guérit du typhus dans un hospice en Suède et voyage jusqu’en France, avec pour unique bagage, son appétit de vivre, son humour et son intelligence. Défiant le destin, quelques années plus tard, elle est sacrée championne de France d’échecs et fonde une famille.
Aujourd’hui, Isabelle Choko raconte ce qu’elle a connu sous le régime nazi, d’abord dans le ghetto de Lódz en Pologne et puis dans les camps d’extermination – Auschwitz-Birkenau et Bergen-Belsen. Son livre est l’histoire de sa vie, un récit douloureux et passionnant pour que tous nous n’oublions pas ce que fut la Shoah.
Un album d'Auschwitz - Comment les nazis ont photographié leurs crimes
Livre de Tal Bruttmann, Stefan Hördler, Christoph Kreutzmüller - Préface de : Serge Klarsfeld
Entre mi-mai et début juillet 1944, des centaines de milliers de Juifs de Hongrie sont déportés à Auschwitz-Birkenau. Pour montrer à leur hiérarchie la « bonne mise en œuvre » de cette opération logistique d’envergure, des SS photographient les étapes qui mènent de l’arrivée des convois jusqu’au seuil des chambres à gaz, ou au camp pour la minorité qui échappa à la mort immédiate. Ces photographies, connues sous le nom d’« Album d’Auschwitz », ont été retrouvées par une rescapée, Lili Jacob, à la libération des camps, avant de servir de preuves dans différents procès et de faire l’objet de plusieurs éditions. Certaines de ces photographies sont même devenues iconiques. Par-delà l’horreur dont elles témoignent, ces images restent pourtant méconnues et difficiles d’interprétation. Ce livre permet d’y jeter un regard neuf. Préfacé par Serge Klarsfeld, fruit de cinq années de recherches franco-allemandes, il analyse l’album dans ses multiples dimensions. Pour quelle raison a-t-il été réalisé et quand ? Comment a-t-il été constitué ? Que peut-on voir, ou ne pas voir, sur ces photographies ? Trois historiens reconnus et spécialistes de la persécution des Juifs d’Europe, Tal Bruttmann, Stefan Hördler, Christoph Kreutzmüller, ont mené un remarquable travail d’enquête, recomposant les séries de photographies, analysant des détails passés inaperçus, permettant un travail d’identification et de chronologie inédit. Dans le même temps, c’est une véritable réflexion sur l’usage des images et de la photographie, de leur violence potentielle mais aussi de leur force de témoignage et de preuve que les historiens proposent. Ce faisant, ils élargissent la connaissance tout en redonnant vie, mouvement et dignité aux personnes photographiées quelques minutes avant une mort dont elles n’avaient pas idée.
La femme silencieuse - Sylvia Plath et Ted Hughes
Live de Janet Malcolm
Après avoir étudié les liens troubles de l’enquêteur et de son sujet dans l’éblouissant Journaliste et l’assassin, Janet Malcolm, figure emblématique de la littérature du réel, propose dans La Femme silencieuse une méditation sur l’art de la biographie.
Au travers de la relation du couple Ted Hughes et Sylvia Plath, et des tentatives biographiques dont ils ont fait l’objet, elle décrypte les vies racontées de la poétesse afin d’écrire non pas sur la vie tragique d’une artiste mais plutôt sur le devenir posthume de son œuvre, et la façon dont se raconte son histoire. Elle examine la relation ambiguë entre Sylvia Plath et son mari, le poète Ted Hughes qui, en tant qu’exécuteur testamentaire, a tenté de servir deux causes : l’art de son ancienne épouse et son propre besoin d’intimité, et comment il poussa sa propre sœur, Olwyn Hughes à devenir l’agent littéraire de la défunte pour se protéger en limitant l’accès à l’œuvre de Plath. Cas limite questionnant l’invisibilisation ou l’appropriation dont font l’objet les œuvres littéraires dès lors qu’elles sont signées d’une femme.
Alors même que Janet Malcolm se montre sceptique quant aux prétentions habituelles des biographies à présenter la vérité sur une vie, se dessine au fil des pages un autre visage de Sylvia Plath, dissipant de fait l’innocence avec laquelle le lecteur aborde une œuvre autobiographique.
Dès sa première publication, ce brillant essai de critique littéraire a suscité un large écho tant il refonde l’approche biographique et explore avec intelligence et clairvoyance la ligne étroite qui sépare la réalité de la fiction. Le but n’étant pas de savoir qui a raison ou qui a tort, mais de mettre en parallèle toute la complexité des rapports humains en réaction au voyeurisme que laisse sous-entendre le pacte d’un biographe impartial.
Deux étés 44
Livre de François Heilbronn
« Le Roy se meurt ! » Ce cri résonne par un 15 août 1744 torride dans le Palais du gouverneur de la ville de Metz. En chemin pour la guerre contre les Autrichiens en Alsace, Louis XV se trouve aux portes de la mort. De saignées en purges inutiles, ses médecins l’ont abandonné, son aumônier le force à se confesser publiquement, ses maîtresses sont bannies, sa cour s’enfuit, les saints sacrements lui sont administrés.
Mais en trois jours, Louis XV sera sauvé par un « empirique » dont l’identité restera longtemps mystérieuse, et pour cause, puisqu’il s’agit de l’un des docteurs de la communauté juive de Metz, Isaïe Cerf Oulman.
Deux cents ans plus tard, jour pour jour, le 15 août 1944, Henry Klotz, héros de 14-18, agonise dans une annexe du camp de Drancy. Il pense aux siens arrêtés comme juifs à Paris cet été-là et à son fils combattant dans une unité commando. Tous descendants d’Isaïe Cerf Oulman.
De la guérison et l’espérance à l’été 1744, à la tragédie et aux meurtres de l’été 1944, deux cents ans séparent au sein d’une vieille famille juive française ces deux étés, à rebours du sens de l’histoire, de l’émancipation et de la liberté : l’un annonciateur des Lumières, l'autre dispensateur de ténèbres.
Dans ce roman des vertiges de l’Histoire, le Panthéon tisse le lien entre les générations. Louis XV mourant avait promis en cas de guérison la construction de cet édifice. Un descendant d’Isaïe Cerf Oulman, le capitaine Émile Hayem, écrivain, mort au champ d’honneur en 14-18, aura son nom gravé dans ce monument devenu temple de la République.
Un roman familial singulier et passionnant doublé d’une minutieuse enquête historique.
Mains, fils, ciseaux
Livre de Norbert Czarny
Quelle forme donner au récit d’une vie ? Quel lien avec ce qui nous arrive ? Les va-nu-pieds, les errants et fugitifs, les spectres marchent en un flux incessant, et nous regardons ailleurs.
Norbert Czarny retrouve les gestes de son père, tailleur, pour tracer, découper et rassembler les pièces d’un récit familial marqué par la guerre. Dans les pires moments, des mains se sont tendues, ont redonné vie et espoir à ses parents. Et à leur tour ce sont eux qui ont agi, fabriqué, réparé.
Écrire, rendre hommage, est toujours une façon d’aimer.
Zao, un mari
Livre de Myriam Dao
Zao est un ancien colonisé de famille aisée. Elle est une jeune femme blanche d’un milieu pauvre. La rencontre a eu lieu en Asie dans l’empire colonial. Paris, où ils s’exilent, va devenir le décor de la décrépitude du couple. Face à un racisme « ordinaire », Zao perd son statut social et se mure. Sa femme rêve à la fois de liberté et de rentrer dans la norme, mais se confronte à une terrible misogynie. Obnubilés par leurs tragédies personnelles, les deux personnages avancent l’un contre l’autre, jusqu’à devenir l’enfer de leur partenaire. À travers le couple et à l’intersection des dynamiques de race, de classe et de genre, Myriam Dao propose une exploration des mutations qui traversent la société française au tournant des années 1950.
Une ou deux fois on l’avait invitée à partager un café, mais elle hésitait à accepter de peur qu’au bout de cinq minutes de conversation ils ne découvrent sa situation véritable. Mais, après tout, pourquoi ne pas franchir le pas, prendre sa vie en main et quitter son mari ? Elle y pensait depuis longtemps. Son chef lui avait fait des avances, et, une après-midi, elle fut à deux doigts de lui confier ses rêves de partir loin. Mais tout ça, c’était sans compter avec la poisse. M.D.