Patronyme
Vanessa Springora
Attendue sur le plateau de La Grande Librairie pour parler de son livre, Le Consentement, l’autrice est appelée par la police pour venir reconnaître le corps sans vie de son père, qu’elle n’a pas revu depuis dix ans. Dans l’appartement de banlieue parisienne où il vivait, et qui fut jadis celui de ses grands-parents, elle est confrontée à la matérialisation de la folie de cet homme toxique, mythomane et misanthrope, devenu pour elle un étranger. Tandis qu’elle s’interroge, tout en vidant les lieux, sur sa personnalité énigmatique, elle tombe avec effroi sur deux photos de jeunesse de son grand-père paternel, portant les insignes nazis. La version familiale d’un citoyen tchèque enrôlé de force dans l’armée allemande après l’invasion de son pays par le Reich, puis déserteur caché en France par celle qui allait devenir sa femme, et travaillant pour les Américains à la Libération avant de devenir « réfugié privilégié » en tant que dissident du régime communiste, serait-elle mensongère ?
C’est le début d’une traque obsessionnelle pour comprendre qui était ce grand-père dont elle porte le nom d’emprunt, quelle était sa véritable identité, et de quelle manière il a pu, ou non, « consentir », voire collaborer activement, à la barbarie. Au fil de recherches qui s’étendront sur deux années, s’appuyant sur les documents familiaux et les archives tchèques, allemandes et françaises, elle part en quête de témoins, qu’elle retrouvera en Moravie, pour recomposer le puzzle d’un itinéraire plausible, auquel il manquera toujours des pièces. Comment en serait-il autrement dans une Tchécoslovaquie qui a changé cinq fois de frontières, de nationalité, de régime, prise en tenaille entre les deux totalitarismes du XXème siècle ? À travers le parcours accidenté d’un jeune homme pris dans la tourmente de l’Histoire, c’est toute la tragédie du XXème siècle qui ressurgit, au moment où la guerre qui fait rage sur notre continent ravive à la fois la mémoire du passé et la crainte d’un avenir de sauvagerie.
Dans ce texte kaléidoscopique, alternant fiction et analyse, récit de voyage, légendes familiales, versions alternatives et compagnonnage avec Kafka, Gombrowicz, Zweig et Kundera, Vanessa Springora questionne le roman de ses origines, les péripéties de son nom de famille et la mythologie des figures masculines de son enfance, dans une tentative d’élucidation de leurs destins contrariés. Éclairant l’existence de son père, et la sienne, à l’aune de ses découvertes, elle livre une réflexion sur le caractère implacable de la généalogie et la puissance dévastatrice du non-dit.
Programme de rencontres avec l'auteure
Le ciel dans la tête
BD de Antonio Altarriba (scénario), Sergio García Sánchez (dessin)
Des mines du Kivu aux mirages de l’Europe, Nivek, l’enfant soldat, arraché aux griffes de la misère par l’appel d’une vie meilleure, traverse une Afrique magique et tragique, d’une violence et d’une beauté à couper le souffle. Les épreuves de ce voyage initiatique le préparent aux périls de la Méditerranée, mais pas aux déconvenues qui l’attendent sur sa rive privilégiée. À l’ombre de Cervantès et de Mark Twain, un récit épique porté par les visions hallucinées d’Altarriba et les images somptueuses de Sergio García.
L'Amant - Suivi de L’Amant, 1984 entretiens et manuscrits
Marguerite Duras (réédition spéciale)
Cette édition spéciale est publiée à l’occasion du quarantième anniversaire de la parution de L’Amant, prix Goncourt en novembre 1984. Elle est enrichie de quatre entretiens avec Marguerite Duras et de reproductions de manuscrits et tapuscrits originaux. Une plongée inédite aux origines de l’écriture de L’Amant et dans l’histoire de sa réception exceptionnelle, à la fois immédiate et mondiale.
« Au moment de remonter dans le bac, après le passage d’un fleuve, la jeune fille accepte l’invitation d’un voyageur qui lui propose de la ramener à la ville dans sa limousine noire. Ce roman d’amour n’appartient à aucun genre connu. Il transcende toute littérature. Il montre que l’écriture la plus audacieuse et la plus moderne est aussi la plus simple. »
Bonheur d'occasion
Gabrielle Roy
Dans le quartier de Saint-Henri, à Montréal, pendant la Seconde Guerre mondiale, Florentine, Rose-Anna, Azarius, Emmanuel et Jean cherchent le bonheur à leur manière. L’une pense le trouver dans l’amour-passion, l’autre dans la famille parfaite ou encore dans le périlleux chemin vers l’ascension sociale. Mais comment supporter les incertitudes d’un monde en pleine mutation, abîmé par la violence, qui hésite entre le progrès et l’obscurantisme ? Comment inventer sa propre trajectoire ?
Cette fresque romanesque attachante raconte la grande affaire qu’est l’existence, le temps qui pulse soudain quand tout va bien, puis les doutes, les drames, les moments où la lumière se fait rare. Un grand livre, enfin disponible en France après une éclipse de quelques décennies.Gabrielle Roy
Rue Ordener, rue Labat - suivi de Autobiogravures
Sarah Kofman
(Édition augmentée, établie et annotée par Isabelle Ullern)
« De lui, il me reste seulement le stylo. Je l’ai pris un jour dans le sac de ma mère où elle le gardait avec d’autres souvenirs de mon père. Un stylo comme l’on n’en fait plus, et qu’il fallait remplir avec de l’encre. Je m’en suis servie pendant toute ma scolarité. Il m’a “lâchée” avant que je puisse me décider à l’abandonner. Je le possède toujours, rafistolé avec du scotch, il est devant mes yeux sur ma table de travail et il me contraint à écrire, écrire. »
La philosophe Sarah Kofman est une enfant de sept ans lorsque a lieu la rafle du Vél’ d’Hiv’. Le 16 juillet 1942, la police se présente au domicile familial et arrête son père, rabbin d’une petite synagogue du 18e arrondissement de Paris – il ne reviendra jamais.
Commence alors cette période où la famille doit se cacher, se séparer. Pour la fillette, qui vivait tout dans la découverte permanente, c’est comme une épopée, dont l’envers est un déchirement : entre le domicile familial et le lieu de refuge, entre sa mère et la « dame de la rue Labat » – entre deux langues, deux mondes que sépare à peine une rue, un abîme pourtant.
Paru en 1994, ce souvenir d’enfance témoigne de ce que fut la vie des Juifs sous la collaboration, l’Occupation, la guerre. Sarah Kofman en retrace aussi leur traversée comme un récit d’éducation et de rencontres, avec une simplicité et une concision remarquables. Cette nouvelle édition, annotée, est enrichie d’un inédit et des courts textes qu’elle avait le projet, inabouti, de réunir sous le titre : Autobiogravures.
La danse du paon
Hanan El-Cheikh
Yasmine a quitté Beyrouth pour le Sud de la France il y a des années. De nature optimiste, elle est capable d’enchanter ses jours dans une cité-dortoir du Var, mais s’inquiète du désœuvrement et des addictions de Naji, son seul enfant. Le jeune homme se rêve rappeur et nourrit sa créativité à grand renfort de drogues. Mère et fils ne savent plus comment vivre ensemble. Ils reçoivent un jour des nouvelles inattendues de Rica, le cousin de Naji, qui a été ballotté entre le Liban, pays de son père, et le Sénégal, pays de sa mère, avant d’échouer dans un centre pour réfugiés en Allemagne. Lorsqu’il vient s’installer chez eux, c’est comme la promesse d’un nouveau départ : le partage de souvenirs communs, la possibilité d’un autre équilibre familial, la solidarité pour affronter les aléas du quotidien dans un pays d’accueil guère accueillant. Désabusé, fantasque, cet improbable trio va tenter de resserrer ses liens et de trouver du sens à l’existence – par la musique, l’amour, la beauté.
Ce roman enlevé, vibrant des maux de l’exil et d’une passion irrépressible pour la vie, à réinventer sans cesse, livre en filigrane une description sans concession du racisme qui ronge notre monde.
Que ma mort apporte l'espoir - Poèmes de Gaza
Sélection de poèmes, traduction et préface de Nada Yafi - Postface de Karim Kattan - Édition bilingue arabe-français.
Bouleversants de courage et d’humanité, les cinquante textes qui composent ce recueil témoignent de la force de la poésie, forme privilégiée de la culture arabe, et confirment que la vie finit toujours par l’emporter sur la mort : « Car nous aimons la vie, disait Mahmoud Darwich, poète emblématique de la Palestine, pour peu que nous en ayons les moyens. »
Spartacus
Howard Fast (réédition avec une nouvelle traduction)
71 avant JC. La République romaine, au faîte de sa puissance, se vautre dans la luxure. Les petits paysans, dépossédés de leur terre, encombrent des villes surpeuplées. Les élites ne pensent qu’aux plaisirs. Le sang de l’arène irrigue tous les étages la société. C’est de cette fange qu’émerge Spartacus : gladiateur révolté et formidable meneur d’hommes. À la tête d’une gigantesque armée d’esclaves, il défie la République. Rejoint par tous les opprimés, les réprouvés, Spartacus se lance dans une fuite éperdue à travers la péninsule. Avec, au bout du chemin, un unique espoir : la liberté.
Mémoires - Chacun pour soi et Dieu contre tous
Werner Herzog
Le réalisateur culte Werner Herzog revient pour la première fois sur son parcours hors normes.
« Cinéaste de l’impossible », aventurier des contrées hostiles, metteur en scène virtuose, écrivain de la démesure… La vie de Werner Herzog n’a rien à envier au plus incroyable de ses scénarios. Dans cette autobiographie dantesque, écrite à l’instinct, le réalisateur revient pour la première fois sur les épisodes marquants de son parcours : les tournages chaotiques devenus légendaires (Aguirre, Fitzcarraldo…), la collaboration explosive avec Klaus Kinski, mais aussi son enfance dans les décombres de l’Allemagne d’après-guerre, son amitié avec Bruce Chatwin, les dizaines de fois où il a frôlé la mort, son travail avec la Nasa, son expérience de cavalier de rodéo dans les arènes mexicaines, les stratagèmes mis en œuvre pour boucler in extremis le financement de ses films…
Au fil des pages, Herzog égraine ainsi, avec cet art du récit et du montage qui ont fait sa renommée, les clés d’une filmographie intransigeante et viscérale. Irrésistible enchevêtrement d’anecdotes savoureuses, de scènes d’action et de fulgurances poétiques, ces souvenirs sont une jungle dont personne ne sortira indemne.
Mille et une vies d’un enfant du siècle - Autobiographie
Gilbert Dalgalian
Récit saisissant de l’enfance et de la vie familiale riche et parfois truculente d’un petit Arménien à Paris, Gilbert Dalgalian retrace le parcours qui le mènera de l’Inde à l’Allemagne en passant par l’Afrique, avec toujours le fil conducteur de la découverte, des rencontres, et de la curiosité pour les sociétés.
C’est toute la vie de Gilbert Dalgalian avec un engagement citoyen sans faille pour l’émancipation humaine.
Mille et une vies d’un enfant du siècle est une boussole précieuse pour temps menaçants.
Un peu d'air frais
George Orwell (réédition 2024)
George Bowling, narrateur, personnage central et avatar de l’auteur, vétéran de 14-18, est représentant en assurances, (mal) marié et père de deux enfants. En 1938, il a quarante-cinq ans. Le pressentiment d’une guerre prochaine déclenche en lui le souvenir de son enfance et de son adolescence à Binfield-le-Bas, petit village anglais qu’il se rappelle comme le pays de cocagne d’avant la guerre : « Avant la guerre, dit-il, et plus particulièrement avant la guerre des Boers, c’était l’été l’année durant ». Cette nostalgie l’entraîne à revenir au village, sur les lieux de ses dernières « prouesses ».
Ce qu’Orwell n’avait pas prémédité, c’est qu’en transposant des souvenirs d’enfance il allait écrire un roman poétique. Dans la poésie d’Un peu d’air frais se trame un contraste vigoureux entre ce qui fut, les temps naïfs, et ce qui est et demeure.
Le titre original, Coming Up for Air, fait allusion aux poissons qui font surface, mais, par métaphore, recouvre un sens plus général : l’appel d’air qui pousse un homme accablé par la prescience de la guerre proche (Hitler et Staline réapparaissent en tandem, pourchassant le narrateur en proie à un cauchemar éveillé) jusqu’aux « verts paradis » de son enfance.
Alors qu’Orwell s’était mis à l’ouvrage, il confiait à ses correspondants qu’une autre idée lui était venue, d’un livre qui ne passerait pas inaperçu. De fait, Un peu d’air frais annonce et amorce déjà 1984.
Nécessaire d'écriture - Conseils aux jeunes romanciers
Un Nécessaire d’écriture qui puise autant dans l’histoire des lettres que dans l’exercice des ateliers d’écriture pour percer les secrets de la création littéraire.
« Écrire, c’est se perdre avec l’air de celui qui semble savoir où il va, car écrire passe par cet état de perte, hors de contrôle, qu’il sera toujours temps de contrôler. Il faut accepter cet inconfort, suivre le mouvement de son texte et lui faire confiance jusqu’à gagner en liberté et ouvrir son imaginaire. Au fil des expérimentations, on cherche à trouver son propre gabarit littéraire, autrement dit, sa langue, sa forme, son propos.
Écrire, c’est aussi se confronter à un formidable catalogue d'œuvres qui font la littérature. Si elles nous fascinent tant, c’est que nous y avons appris à voir le monde par les yeux de celles et ceux qui se sont posé les mêmes questions adaptées à leur époque, suscitées par elle et la longue mémoire des siècles » (J. R. et N. S.).
Signalements
Karine & Laurence Brunet-Jambu (2019 - nouvelle édition en 2024)
Karine a été aspirée par l’enfer dès la première minute de son existence. Fille d’une mère condamnée pour infanticide, le diable s’est penché sur son berceau : coups, insultes, privations, menaces de mort répétées. Déjà, à la maternité, le personnel médical s’était inquiété de la capacité psychologique de sa mère, et sa tante, Laurence, est en alerte, en vain. Les services sociaux restent aveugles aux violences que sa nièce endure et sourds aux nombreux signalements qu’elle émet. Karine est même victime, dès l’âge de cinq ans, de Roland Blaudy, ami pédophile hébergé par ses parents. Elle ne peut compter que sur sa tante pour la sortir de cet enfer.
Algérie, la guerre prise de vues
Sous la direction de Marie Chominot, Sébastien Ledoux
Renouveler l’histoire de la guerre d’indépendance algérienne à partir de la photographie : tel est l’enjeu du présent livre. Rassemblant une vingtaine de chercheurs et chercheuses, il offre des mises en perspective originales de la guerre au plus près de ses acteurs, saisis par l’objectif ou saisissant eux-mêmes des situations qu’ils ont souhaité immortaliser.
Au fur et à mesure de l’analyse, les mots viennent animer ces images provenant souvent d’archives familiales, parfois de la justice ou de l’armée. Les photographies sont ainsi projetées dans une histoire collective que les auteurs documentent par les travaux les plus récents : l’engagement des indépendantistes, les disparus de la bataille d’Alger, la torture, le discours du général de Gaulle à Alger en mai 1958, le sort des harkis, l’exil des rapatriés, la lutte fratricide entre le FLN et le MNA, les camps de regroupement, la guerre psychologique menée par l’armée française ou l’année 1962.
Les regards, points de vue, lieux – en Algérie et en métropole – qui en ressortent nous permettent de comprendre la pluralité des expériences de cette guerre coloniale, mettant au jour autant d’écarts irréductibles que de correspondances.
Chef de file du mouvement existentialiste et auteur de son manifeste, « L’existentialisme est un humanisme » (1946), Jean-Paul Sartre (1905-1980) est l’auteur entre autres de L’Être et le néant, La Nausée, Les Mains sales, Huis-clos et Les Mots. Il exerçe une grande influence sur la vie intellectuelle et politique du second XXe siècle. Figure par excellence de l’intellectuel engagé - de tendance marxiste -, il défend ardemment la cause anticoloniale.
Et pourtant cet homme-monument clive les philosophes, historiens et le public. Il est pour certains le penseur des bourgeois et pour d’autres le théoricien de l’anti-totalitarisme qui oubliera d’en appliquer les principes. Aliocha Wald Lasowski propose une biographie critique mais juste et contextualisée de celui qui a dominé la pensée pendant la seconde moitié du XXe siècle.