Les Pères lointains
Marina Jarre eut du mal à se faire à l’idée qu’elle appartenait à une famille. La sienne lui paraissait lointaine, éclatée entre plusieurs langues, cultures, et appartenances religieuses. Dans ce grand récit autobiographique en n traduit en français, elle évoque cette étrangeté dans une prose singulière et dépeint l’interrogation lancinante qui l’habita toute sa vie, sur sa place de fille, de mère et d’autrice.
Roman de formation autant que témoignage d’une exilée perpétuelle, Les Pères lointains nous offre une étonnante traversée du vingtième siècle
Milan Kundera : "Ecrire, quelle drôle d'idée !"
Livre de Florence Noiville
« Je me dis souvent que j’ai eu de la chance de connaître Milan pas trop jeune. Dans le dernier tiers de sa vie. Il avait déjà fait vœu de silence médiatique. À l’apogée de la maturité et de la liberté, il s’est mis à ressembler de plus en plus au vieil homme de La vie est ailleurs. Ce vieux savant qui observe en silence des jeunes gens “tapageurs”. »
Une amitié ancienne lie Florence Noiville et son mari, « le garçon de Jablonec », à Milan Kundera et son épouse Vera. Saisies au vol comme le souvenir éclos d’une sensation, des scènes de complicité malicieuse – déjeuners au Touquet, visites à leur appartement, rencontres au café, « insoutenable nostalgie d’un insignifiant bavardage dans une auberge » – dessinent avec sensibilité et tendresse l’œuvre (vécue) et la vie (romanesque) de Milan Kundera. Jamais une œuvre n’aura autant dit de son auteur.
Des fragments de textes et de conversations, des souvenirs, un carnet de voyage en Bohême et de nombreuses photos sont ici rassemblés dans un seul but : donner envie de (re)découvrir l’un des plus grands artistes du XXe siècle. Ce maître de l’ironie et de la désillusion qui n’a cessé de nous montrer de quelles plaisanteries nous nourrissons nos rêves et nos mensonges.
Et si l'Ukraine libérait la Russie ?
Livre d'André Markowicz
Et si l'Ukraine libérait la Russie ? Cette phrase semble indécente alors que la guerre fait rage, que l’Ukraine est ravagée, que la Russie s’efforce de détruire toutes ses infrastructures civiles ; alors que l’on découvre de jour en jour des dizaines et des dizaines de crimes de guerre perpétrés par l’armée russe ; alors que c’est l’existence même de l’Ukraine, en tant que pays et en tant que nation, qui est mise en cause par Vladimir Poutine.
Et si l'Ukraine libérait la Russie ? Je veux dire, si l’électrochoc provoqué par le désastre ukrainien arrivait, en Russie, à réveiller les consciences, et à changer l’Histoire russe ?
En transit - Les Syriens à Beyrouth, Marseille, Le Havre, New York (1880-1914)
Livre de Céline Regnard
Nageeb Arbeely, interprète à Ellis Island, Boulos Kaouan et César Tasso, pisteurs à Marseille, la jeune Amelia Beshara, un colporteur en Alabama, le poète Khalil Gibran… Autant de visages présents sur la couverture de cet ouvrage. Ces femmes et ces hommes ne se sont pas forcément croisés, mais ont en commun d’avoir vécu ce moment si particulier et peu exploré de l’expérience migratoire qu’est le transit.
Venant du Liban ou de Syrie entre les années 1880 et 1914, leur trajectoire les fait s’arrêter et vivre durant des étapes plus ou moins longues dans les ports que sont Beyrouth, Marseille, Le Havre et New York. Dans un récit très incarné, nourri de ces parcours singuliers, l’historienne Céline Regnard s’est attachée à privilégier le point de vue des migrants, écrivant une histoire à hauteur d’hommes et de femmes. Ce sont également une multitude d’autres acteurs et d’actrices, un monde institué et/ou parallèle dans les villes-ports concernées, qui entrent en scène : passeurs, bateliers, pisteurs, logeurs, mais aussi médecins et policiers ; en effet, cet entre-deux que représente le transit est un moment de contact singulier et particulier entre ces migrants syriens, souvent vêtus à l’orientale et parlant arabe, et les populations occidentales. Si les regards portés sur eux sont multiples, de l’empathie à tendance paternaliste à l’inquiétude, les Syriens produisent également dans ces moments de passage des représentations d’eux-mêmes et des autres.
Des expériences et un monde qui paraissent bien lointains, mais qui résonnent pourtant fortement avec notre présent, à l’heure des frontières qui se ferment et des contrôles renforcés, quand les transits se prolongent pour devenir des impasses ou des rétentions…
Rendez-vous à Kiev, suivi de L'escalier d'Odessa
Livre de Philippe Videlier
Dans le siècle écoulé se livrèrent à Kiev des batailles mémorables. Philippe Videlier, à la fois historien et conteur, évoque les relations qu’entretinrent l’Ukraine et la Russie dans la période qui précéda et suivit la révolution bolchevique. On retrouve dans Rendez-vous à Kiev Trotsky, natif d’Ukraine, et Lénine, attaché au droit des nations à disposer d’elles-mêmes, mais aussi la féministe révolutionnaire Alexandra Kollontaï, le docteur Christian Rakovsky, figure cosmopolite, formé à l’université de Montpellier, ou l’anarchiste Nestor Makhno qui contribua à rejeter les Allemands hors de l’Ukraine.
L’escalier d’Odessa réveille l’histoire du fameux monument immortalisé par Eiseinstein dans Le cuirassé Potemkine. Ce récit met en lumière l’ascension de Poutine, longtemps objet d’innombrables flatteries et concessions de la part de dirigeants démocrates aveugles ou cyniques.
Dans le style inimitable de Philippe Videlier, à la fois impertinent et précis, ces deux récits conduits sur le mode de la légende, avec leur lot d’anecdotes étonnantes et scrupuleusement authentiques, font entendre comme un grelot la danse macabre de l’Histoire et donnent à comprendre un peu mieux la présente tragédie ukrainienne.
Des TRACTS à propos de l'Ukraine et de l'invasion russe
Les éditions Gallimard consacrent trois TRACTS à cette guerre, dans un petit format -quelques dizaines de pages- et à un petit prix -moins de 4 euros-
« L'Ukraine est vue de Moscou comme la pièce essentielle d’un dispositif de protection à contrôler ou, au mieux, à neutraliser.» Arpentant les contrées d’Europe médiane et orientale depuis une trentaine d’années, le géographe et diplomate Michel Foucher, spécialiste des frontières géopolitiques, analyse le confit russo-ukrainien en mettant au jour la cartographie mentale – historique, politique, territoriale et identitaire – du duel qui oppose les deux nations suite à l’agression fratricide lancée par Vladimir Poutine. Cette cartographie entre Baltique et mer Noire, étendue par ses causes et ses effets à l’Europe entière, porte l’empreinte d’une confrontation entre un passé qui ne veut pas passer – celui de la Russie, comme puissance autocratique et impériale – à un futur qui ne semble devoir naître que dans la résistance et la souffrance, celui de l’Ukraine comme État-nation souverain « inclinant vers le monde euroatlantique » (Havel). Un duel qui affecte gravement l’état du monde et dont le déroulement et l’issue nous concernent tous.>>> voir ICI
«Pour Vladimir Poutine, le contrôle de la mémoire historique, de l’interprétation du passé, est un enjeu essentiel.»
Le 24 février 2022, l’opinion mondiale découvre avec stupeur le discours de Vladimir Poutine justifiant l'invasion de l’Ukraine, au prétexte de faire cesser un «génocide» exercé par un régime qu’il convient de «dénazifer». Cette extraordinaire falsification de l’histoire s’inscrit dans le droit fil du grand récit national construit au cours des vingt dernières années par Vladimir Poutine et dont l’ONG Mémorial fit les frais en 2021. Ce récit, exaltant la grandeur d’une «Russie éternelle» face à un Occident agressif et décadent, n’admet aucune contestation pour servir les intérêts géopolitiques d’un régime dictatorial et répondre aux attentes d’une société désorientée suite à l’effondrement du système soviétique. Ce Tract éclaire les origines de cette distorsion des faits historiques et la façon dont elle est mise en œuvre pour légitimer la première guerre du XXIe siècle sur le continent européen. >>> voir ICI
"Poutine est un homme qui au XXIe siècle mène une guerre du XXe pour atteindre des objectifs du XIXe."
"La polémique est un genre dont je me méfie vivement, et que je pratique avec parcimonie. Je n’ai jamais pensé que le fait d’avoir écrit des livres, d’être considéré, d’une certaine manière, comme une personne publique, donnait le droit d’exprimer ses opinions à tout vent. Mais parfois l’on n’a pas le choix ; parfois, le silence équivaut à la complicité. Lorsqu’un pays en agresse un autre, comme la Russie a agressé l’Ukraine ce 24 février 2022, se taire serait faire le jeu de l’agresseur, serait trahir l’agressé. Cela vaut d’autant plus lorsqu’on a passé des années dans les deux pays, lorsqu’on y a des amis, des deux côtés. Pour les uns, comme pour les autres, il importe de choisir son camp." J.L. >>> voir ICI
Le déni du viol - Essai de justice narrative
Livre de Denis Salas
Classement des plaintes, stéréotypes sexistes, condamnations dérisoires… Jamais la justice n'a autant été apostrophée, voire rejetée depuis le mouvement #MeToo lancé par l'affaire Weinstein en 2017. Pour comprendre une telle contestation, cet essai cherche à mesurer l'ampleur du déni du viol qui imprègne la société et ses institutions. La honte de la victime, le mutisme de l'agresseur, le silence de l'entourage et l'évitement de la loi forment un mur de dénégations que rien ne semble pouvoir entamer.
Comment percer le mystère d'un crime enfoui dans le silence et l'oubli ? Et comment s'y attèle la justice ? Sa tâche, affirme Denis Salas, ne peut être vraiment saisie qu'à partir d'une approche narrative. Son travail de dévoilement est rendu sensible au plus près des écrits singuliers et leurs parcours brisés. Sa recherche de la vérité est mieux comprise, son œuvre réparatrice devient visible.
Un essai sur le dialogue nécessaire entre l'expérience de la violence intime et la mission de la justice.
Cité de verre
BD de Paul Auster, David Mazzucchelli, Paul Karasik
La collaboration entre une oeuvre de fiction, celle de Paul Auster et sa trilogie newyorkaise, et son appropriation par Paul Karasik et David Mazzucchelli.
Un coup de fil reçu au milieu de la nuit plonge Quinn, un auteur de série noire, dans une aventure plus extravagante que toutes celles qu’il aurait pu imaginer. De cette aventure, alliant un humour kafkaïen à un sens du suspense digne de Hitchcock, la ville illimitée, insaisissable — New York —, est le théâtre au sens le plus accompli du terme : c’est à la fois le lieu privilégié des rencontres aléatoires et la scène de l’incongruité métaphysique.
Une belle grève de femmes - Les Penn Sardin, Douarnenez 1924.
Livre d'Anne Crignon
Dans les vingt conserveries de sardines, deux mille « filles d’usine » œuvrent nuit et jour, au gré des arrivages, à emboîter au plus vite ce poisson fragile. Elles sont là entre dix et quatorze heures d’affilée pour une paye minuscule versée par des industriels – dont même le ministre du Travail dit qu’ils sont « des brutes et des sauvages ».
Le 21 novembre, un patron refuse de recevoir des ouvrières exténuées. Les femmes de toutes les « fritures » descendent dans la rue. Le maire de la ville, un communiste, est à leurs côtés, et les marins-pêcheurs – leurs maris – aussi.
Bientôt, toute la France suit dans les journaux le détail de cette « grève de la misère » devenue un feuilleton national. La solidarité s’organise. Le patronat aussi. Des mercenaires armés arrivent de Paris.
Les Penn sardin auraient dû perdre ; la pauvreté leur commandait chaque jour de reprendre le travail. Après plus de six semaines à battre le pavé en sabots, elles ont pourtant gagné.
Récit d’une grève victorieuse.
Eclats de vie
Livre de Anne Balenghien, Denise Bois, Danielle El Gharbaoui, Françoise El Jaouhari, Catherine Kansoussi, Yvonne Naciri, Martine Vernuccio et Bernadette Zaki.
Femmes venues de France qui ont – pour la plupart d’entre elles – suivi leur conjoint pour vivre dans SON monde ; qui ont appris à découvrir puis à aimer ce pays, le Maroc ; qui y ont vécu une partie très essentielle de leur vie. Elles ont aussi traversé un moment particulier de l’Histoire commune, la période post-indépendance et les bouleversements internationaux de la fin du XX° siècle. Période particulière de leur vie donc mais aussi de l’histoire. En 2012, à Rabat, elles se sont regroupées en « atelier autobiographique » ayant une passion commune pour l’écriture avec un projet : conserver ces écrits sur la «vie d’ici», ne pas oublier ce vécu si particulier couché sur du papier au gré ou non des consignes. Ne pas l’oublier et le faire connaître : à la famille d’abord, à la prochaine génération aussi, surtout les petits enfants, ceux de l’autre rive ou ceux d’ici, pour répondre à leurs questions. Mais l’idée a grandi et a mûri : il fallait rassembler toute cette écriture, relire les récits de leur vie d’ici, les classer, en réviser la forme, tout ce travail assuré et décidé ‘ensemble’, et finalement envisager la possibilité d’une édition d’une partie de ces textes pour un public plus large, d’ici et d’ailleurs. Un travail collectif, de cinq années, jalonné de périodes enthousiastes et de moments de découragement, avec un fil conducteur solide qui a mené à cette publication, malgré le Covid qui en a retardé le processus. Ces récits autobiographiques, ces éclats de vies, en constituent l’aboutissement.
L'internat
Livre de Serhiy Jadan
Dans le Donbass en guerre, en janvier 2015, un jeune prof décide d’aller chercher son neveu de 13 ans dans l’internat où il étudie, à l’autre bout de la ville. L’école, où l’adolescent a été « parqué » par sa mère, a été visée par des tirs et les élèves n’y sont plus en sécurité. L’homme met une journée entière à traverser la ville, devenue zone de guerre, et à atteindre le lieu en question.
Le retour à la maison est une véritable épreuve. Les deux protagonistes se retrouvent au milieu des combats, plongés dans un brouillard laiteux. Des troupes paramilitaires et des chiens errants traversent les ruines ; des hommes apathiques, désorientés, titubent dans ce paysage urbain apocalyptique. La ligne de front se rapproche de plus en plus de la maison familiale…
Serhiy Jadan décrit avec talent comment un lieu familier se transforme en un territoire étranger et inquiétant. Ses personnages sont décidés à lutter de toutes leurs forces contre la peur et la destruction. Dans L’Internat, la réflexion de Jadan sur la guerre dans le Donbass atteint son apogée.
Journal d'un paysan charentais
Livre de Claude Ribouillault (réédition au format poche)
Claude Ribouillault a découvert par hasard le manuscrit de ce jeune paysan charentais (daté de la fin du XIXe siècle) au cours d’une foire aux antiquités. Son auteur, âgé d’à peine vingt ans, y décrit sa vie à la ferme au jour le jour, les habitudes paysannes, les divertissements, mais aussi ses lectures (Edgar Poe, Victor Hugo, Emile Zola…).
Un mystère entoure ce témoignage : Qui est ce jeune homme ? Pourquoi effectue-t-il des tâches habituellement réservées aux femmes ? D’où vient son intérêt pour la lecture ?
Des femmes et du style. Pour un feminist gaze (*)
Livre d’Azélie Fayolle
Un spectre hante l’histoire de la littérature : des femmes écrivent, et sont (parfois) lues. L’histoire, s’écrivant de mémoire d’hommes, délaisse, néglige et relègue dans l’oubli les productions des femmes. Toujours ramenés au témoignage, si possible doloriste, et critiqués parce que « victimaires », les textes féministes ont pourtant une histoire et, disons-le, du style. Cet essai propose, d’un point de vue qui pourrait être celui d’une féministe découvrant le féminisme, un parcours à travers des genres et des œuvres littéraires où se construit quelque chose comme un feminist gaze. Plus engagé que le female gaze, il traduit en registres les émotions d’une vie de femme confrontée à la domination masculine, choisissant en réponse le rire, la révolte et l’utopie – toujours avec style.
Egéries rouges - 12 femmes qui ont fait la Révolution russe
Livre de Andreï Kozovoï
Certaines sont connues – telles Alexandra Kollontaï, la première femme diplomate au monde, ou encore Nadejda Kroupskaïa, la militante bolchévique et épouse de « Volodia » – ; d’autres le sont moins, comme Fanny Kaplan, qui a tiré sur Lénine, ou Sofia Perovskaïa, la terroriste qui a organisé l’assassinat du tsar Alexandre II ; d’autres encore sont des grandes oubliées de l’Histoire (citons l’étudiante Maria Bogdanova ou la « populiste » Alexandra Dementieva).
Mais toutes ont un point commun : elles ont fait la Russie soviétique. Mues par des sentiments altruistes – instruire les masses paysannes, etc. –, ces égéries sont progressivement devenues des révolutionnaires professionnelles. Leur détermination a ébranlé le tsarisme et a permis à des idéologies utopiques (populisme, anarchisme et communisme) d’inspirer les jeunes générations et de rayonner dans le monde entier. Mais en voulant faire le bonheur du peuple russe, elles ont aussi contribué à l’avènement d’un Parti-État qui a réduit ce même peuple en esclavage, notamment en utilisant la cause des femmes pour asseoir sa domination sur la société.
S’il faut louer l’action de ces combattantes il faut aussi se garder de les idéaliser et d’en faire des victimes du régime communiste dépassées par les événements. Leur part sombre (leur connivence avec le régime totalitaire, etc.) doit aussi être étudiée.
S’appuyant sur un important corpus documentaire français, russe et anglais, enrichi de documents inédits, Andreï Kozovoï propose un ouvrage vivant et accessible qui analyse avec justesse et sans manichéisme le rôle exact de ces femmes puissantes car engagées.
Tsiganes, ou ces inconnus qu’on appelle aussi Gitans, Bohémiens, Roms, Gypsies, Manouches, Rabouins, Gens du voyage…
Livre de Patrick Williams
Cet ouvrage retrace la rencontre de Patrick Williams avec les Manouches de la Creuse et les Roms Kalderash de Paris et nous plonge d’emblée dans un véritable roman initiatique dont le héros s’émerveille à chaque découverte. Mais, bien que marié à une Romni Kalderash et devenu chef d’une famille rom, Patrick Williams reste un gadjo et un intellectuel. L’auteur explore ici ce qui n’a jamais cessé de l’intriguer : que les Manouches et les Roms apparaissent à la fois si différents et si semblables. Qu’en est-il dès lors de la totalité tsigane ? Il traite d’une question fondamentale pour tout chercheur en anthropologie sociale : en quoi leur sujet de recherche est source d’enseignements sur la société environnante, voire sur l’humanité en tant que telle ?
Œuvre majeure qui dépasse les limites d’une simple ethnographie des Tsiganes, cet ouvrage est le magnifique testament d’un grand anthropologue, rigoureux et libre, souvent poète, qui vient éclairer la vie.
L'été où mon père est mort
Livre de Yudit Kiss
Le père, un héros pour la narratrice, va bientôt mourir. Sa fille n’a de cesse de l’entourer, d’être présente et d’essayer de lever le mystère de sa vie.
Enfant juif, il a été sauvé pendant la guerre d’une mort certaine grâce à sa propre mère. Sans attendre que la Hongrie rejoigne l’Allemagne, elle l’a emmené loin de la capitale et l’a caché dans un orphelinat.
Après la guerre, l’identité juive du héros s’éloigne, laissant la place à une autre identité : le communisme. L’enfant devenu adulte va croire au système et par là même accepter ses dérives.
À travers l’histoire de son père, Yudit Kiss met en évidence une identité juive bien différente de celle d’Europe occidentale : celle des populations juives des pays de l’ex-bloc communiste, plus précisément ici de la Hongrie.
Les abricots du Donbas
Livre de Luba Yakymtchouk [édition bilingue]
La poésie ukrainienne : un acte de résistance en temps de guerre.
Ce recueil de 47 poèmes s’intitule Les Abricots du Donbas car, là où s’arrêtent les abricotiers, commence la Russie. Née et élevée dans une petite ville minière de l’Est industriel de l’Ukraine, Luba Yakymtchouk a perdu sa maison familiale en 2014 lorsque la région a été occupée par des séparatistes soutenus par la Russie. Fruits d’expériences émotionnelles très complexes, ses poèmes s’étendent du désir érotique dans une ville déchirée par la guerre à l’imitation de babillages enfantins pour décrire les outils du combat militaire, vus comme des jouets. Luba Yakymtchouk fait preuve d’espièglerie face à la catastrophe et signe ainsi sa singularité artistique, évoquant l’héritage des futuristes ukrainiens des années 1920.
Une langue dénuée de tout pathos, authentique et intime pour transcrire le quotidien de tout un peuple en résistance à travers la poésie d’une femme.
L’usure d’un monde - Une traversée de l'Iran
Livre de François-Henri Désérable
« La peur était pour le peuple iranien une compagne de chaque instant, la moitié fidèle d’une vie. Les Iraniens vivaient avec dans la bouche le goût sablonneux de la peur. Seulement, depuis la mort de Mahsa Amini, la peur était mise en sourdine : elle s’effaçait au profit du courage. »
Fin 2022, au plus fort de la répression contre les manifestations qui suivent la mort de Mahsa Amini, François-Henri Désérable passe quarante jours en Iran, qu’il traverse de part en part, de Téhéran aux confins du Baloutchistan. Arrêté par les Gardiens de la révolution, sommé de quitter le pays, il en revient avec ce récit dans lequel il raconte l’usure d’un monde : celui d’une République islamique aux abois, qui réprime dans le sang les aspirations de son peuple.
Noir Liban
Livre de Salma Kojok
C'est l'histoire de Maïmouna, de ses cheveux crépus, de son accent cassé, du pétillement ravagé dans sa voix, de ses mains qui tremblent. C'est l'histoire de la falaise que toute femme porte en elle ; tant qu'elle la tient éloignée, sa vie reste assez tranquille, elle se lève chaque matin, parle la langue apprise, vaque à ses activités, fait ce qu'on attend d'elle, elle bouge, elle fonctionne. Mais la falaise est là qui veille, il suffit d'un moment de trouble et nous voilà au bord du gouffre, c'est alors sans retour. Penchés vers ses bords escarpés, face au vide, nous voyons les ténèbres en nous, nous sommes dans l'emprise de cette folie. Nous discernons notre propre fin, découvrons ce qu'est le temps, sa matière cotonneuse, ses fils inextricables qui aveuglent et ligotent, abusent et abandonnent.
C'est l'histoire de Maïmouna face à cette falaise.
C'est la traversée d'une vie, celle de Maïmouna, née en Afrique et fille du Liban, écartelée de cimetière en récits décousus, à la recherche d'une famille introuvable. C'est un questionnement continu, la quête d'une famille, le lieu des premiers émerveillements, le pôle originel du désenchantement, les loyautés massacrées. Liens, déliaisons, renouement, grillages ; c'est l'histoire de Maïmouna interrogeant cette balle à déflagration que l'on se balance, on la reçoit de mains rassurantes, mains maternelles, voies paternelles, on saisit ce colis, on le perd, le rattrape au vol ; il finit toujours par imploser en nous.
C'est l'histoire de la ligne de démarcation de Beyrouth, du cimetière marin de Grand-Bassam, de la rue Makhoul, des escaliers de la maison de Treichville, de la Corniche de la Mer, de Zrariyé, de la Méditerranée et de l'Atlantique, de la lagune Ebrié et du fleuve Litani. C'est l'histoire de lieux emmêlés dans des exils continus, histoire de lisières, d'interfaces remuantes.
Meursault, contre-enquête
Livre de Kamel Daoud (réédition en poche Folio)
« Un certain goût pour la paresse s’installe chez le meurtrier impuni. Mais quelque chose d’irréparable aussi : le crime compromet pour toujours l’amour et la possibilité d’aimer. J’ai tué et, depuis, la vie n’est plus sacrée à mes yeux. Dès lors, le corps de chaque femme que j’ai rencontrée perdait très vite sa sensualité, sa possibilité de m’offrir l’illusion de l’absolu. À chaque élan du désir, je savais que le vivant ne reposait sur rien de dur. Je pouvais le supprimer avec une telle facilité que je ne pouvais l’adorer – ç’aurait été me leurrer. J’avais refroidi tous les corps de l’humanité en en tuant un seul. D’ailleurs, mon cher ami, le seul verset du Coran qui résonne en moi est bien celui-ci : “Si vous tuez une seule âme, c’est comme si vous aviez tué l’humanité entière.” »
"Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud et L’Étranger de Camus :
réappropriation et détournements dans le récit littéraire contemporain"
Mémoire présenté
en vue de l’obtention du grade de M.A.
en littératures de langue française
(Université de Montréal)
Le silence des dieux
Livre de Yahia Belaskri
Aux portes du désert, le village de la Source des Chèvres se retrouve un matin coupé du monde, l’accès à la route bloqué par des soldats. Entre le café et la mosquée, sur la petite place où résonnent encore la voix du porteur d’eau et le passage des nomades, on cherche un coupable pour s’en débarrasser comme d’une malédiction.
Face aux luttes de pouvoir qui s’engagent, s’élève la voix de Ziani le Fou. Pieds nus, cheveux hirsutes, il clame ses prophéties mais reste celui dont on se moque et se méfie. D’où naîtra l’espoir sinon de celles qui œuvrent en silence contre l’oppression et la convoitise, contre l’obscurantisme et la résignation ? Avec les femmes, le vent de la révolte se lève enfin.
Une magnifique allégorie sur la liberté et la réconciliation.
Le Docker noir
Livre de Sembène Ousmane (nouvelle édition enrichie d’un important appareil critique)
Marseille, années 1950. Diaw Falla, docker sénégalais, vit à Belsunce, le «petit Harlem marseillais», et travaille sur le port en compagnie de nombreux ouvriers africains. Menant une existence précaire, il rêve d’écrire et de publier son premier roman, Le Dernier voyage du Négrier Sirius. Son existence bascule le jour où il confie son manuscrit à une amie écrivaine.
Publié en 1956, ce premier roman de Sembène Ousmane est un déchirant cri d’amertume qui fait écho aux romans marseillais de Claude McKay dans sa soif de liberté, sa défense des luttes sociales et son refus d’accepter l’étroitesse des préjugés raciaux.
La rédactrice
Livre de Michèle Cohen
Indispensable pour tout écrivain en herbe ! Une gourmandise pour tous les amoureux des lettres ! Une madeleine de Proust pour toute une génération.
Avec un style d’une finesse et d’une sobriété aussi réjouissante qu’émouvante, La Rédactrice retrace les efforts d’une femme dans sa quête du mot juste.
Composé de fragments de vie assemblés tel un documentaire, ce livre donne accès à une expérience intime avec l’écriture. Il nous fait vivre les étapes d’apprentissage, les réflexions, les doutes, les échecs et les réussites d’une femme qui a gagné sa vie en écrivant pour les autres.
Au cœur de la maison
Livre d'Ella Yevtouchenko [Édition bilingue ukrainien/français]
Au début de la guerre, Ella me faisait visiter la vaste demeure de la poésie ukrainienne afin que puisse advenir l’anthologie que nous élaborions ensemble. Aujourd’hui c’est la maison de ses propres poèmes que découvre le lecteur.
Une maison dont les fenêtres s’ouvrent sur deux paysages linguistiques, l’ukrainien et le français, et dans laquelle se bousculent les émotions, l’espérance et la peur, la révolte et le chagrin, l’amour aussi, « vaillant funambule au-dessus de l’abîme ».
Une maison qui puise ses racines dans l’enfance et s’élance vers le ciel des années à venir. Qui accueille des invités, à l’image du grand poète futuriste Mykhaïl Semenko, à qui la jeune femme fait une place dans son livre. Une maison comme celle qui te publie, Ella. Ne frappe pas avant d’entrer : tu es déjà là !
L’Archiviste
Livre de Alexandra Koszelyk
K est archiviste dans une ville détruite par la guerre, en Ukraine. Le jour, elle veille sur sa mère mourante. La nuit, elle veille sur des œuvres d’art. Lors de l’évacuation, elles ont été entassées dans la bibliothèque dont elle a la charge. Un soir, elle reçoit la visite d’un des envahisseurs, qui lui demande d’aider les vainqueurs à détruire ce qu’il reste de son pays : ses tableaux, ses poèmes et ses chansons. Il lui demande de falsifier les œuvres sur lesquelles elle doit veiller. En échange, sa famille aura la vie sauve. Commence alors un jeu de dupes entre le bourreau et sa victime, dont l’enjeu est l’espoir, espoir d’un peuple à survivre toujours, malgré la barbarie.
Vie, vieillesse et mort d'une femme du peuple
Livre de Didier Eribon
Il y a quelques années, la mère de Didier Eribon est entrée en maison de retraite. Après plusieurs mois au cours desquels elle a peu à peu perdu son autonomie physique et cognitive, Didier Eribon et ses frères ont dû se résoudre à l’installer, malgré ses réticences, dans un établissement médicalisé. Mais le choc de l’entrée en maison de retraite fut trop brutal et, quelques semaines seulement après son arrivée, elle y est décédée.
Après la mort de sa mère, Didier Eribon reprend le travail d’exploration personnelle et théorique qu’il avait entrepris dans Retour à Reims après la mort de son père. Il analyse le déclin de sa mère, ce qui l’amène à réfléchir sur la vieillesse et la maladie, sur nos rapports aux personnes âgées et à la mort, mais aussi sur l’expérience du vieillissement. Il s’interroge également sur les conditions de l’accueil des personnes dépendantes.
Il montre que si l’expérience du vieillissement nous est très difficile à penser, c’est parce qu’il s’agit d’une expérience-limite dans la philosophie occidentale, dont l’ensemble des concepts semblent se fonder sur une exclusion de la vieillesse.
Eribon reparcourt également la vie de sa mère, et notamment les périodes où elle était femme de ménage, ouvrière puis retraitée, la saisissant dans toute sa complexité, de sa participation aux grèves à son racisme obsessionnel.
Il conclut sa démarche en faisant de la vieillesse le point d’appui d’une réflexion sur la politique : comment pourraient se mobiliser des personnes qui n’ont plus de mobilité ni de capacité à prendre la parole et donc à dire « nous » ? Les personnes âgées peuvent-elles parler si personne ne parle pour elles, pour faire entendre leur voix ?
A des lieux d'ici
Livre de bruno Lasnier. Gérard Ostermann. Myriam Brun-Cavanié. Guy Lesoeurs
Le photographe Bruno Lasnier nous invite dans l’univers de ses images à travers un travail de sélection - à l‘initiative de Gérard Ostermann - sur plus de trente années de prises de vue au cours de ses voyages.
Ces 56 photographies sont une fenêtre sur le monde avec un regard d’auteur sur lequel le psychiatre Gérard Ostermann pose une brillante analyse où la force de vie est exaltée.
Myriam Brun-Cavanié ajoute de la poésie aux images et propose des itinéraires imaginaires et des références qui l’inspirent, envisagées comme autant de possibles escales à décliner du Nord au Sud ou d’Est en Ouest.
Comment taire un voyage que je n’ai pas fait ? s’interroge Guy Lesœurs. Ou le rêve en balade…Guy Lesoeurs nous rappelle que le plus beau voyage est celui qui reste à faire.
Quand nous nous sommes réveillés - Nuit du 24 février 2022 : invasion de l'Ukraine
Livre de Luba Jurgenson
Dans la nuit du 24 février 2022, l’attaque massive de la Russie contre l’Ukraine a réveillé toute l’Europe. Une paix globale et durable sembla soudain n’avoir été qu’un rêve.
Or, en amont de cet événement brutal, de petits indices laissaient présager ce glissement de la société russe vers un nouvel ordre impérial. Et peut-être que le carnaval sanglant qu’est l’« opération spéciale » a été rendu possible par une violence plus ancienne encore, ancrée jusque dans les familles, quotidienne, acceptée.
À travers des images de rêves, fragments de souvenirs, extraits de textes littéraires et réflexions, Luba Jurgenson interroge ces menus détails et dit le choc que l’attaque contre l’Ukraine produit sur le corps de l’Europe et sur une vie qui, comme la sienne, a été marquée par l’exil hors de l’URSS.
Désobéir en guerre d'Algérie - La crise de l'autorité dans l'armée française
Livre de Marius Loris Rodionoff
En relatant la vie de plusieurs réfractaires inconnus à travers les traces laissées dans les archives des tribunaux, Marius Loris décrit les différentes formes de la désobéissance – de la contestation discrète à la résistance plus directe – parmi les soldats de l’armée française en Algérie. Si l’on connaît l’épisode du putsch d’avril 1961 ou le mouvement des rappelés en métropole contre le service militaire en 1955-1956, les résistances quotidiennes et les déviances de guerre restent largement inconnues et sous-estimées. Des épisodes d’importance mais ignorés, comme les nombreuses mutineries ayant eu lieu après les Accords d’Évian (mars 1962) jusqu’au départ définitif du contingent en 1964, ont pourtant émaillé le conflit.
Comment et pourquoi des appelés ont refusé les ordres ? C’est toute la question de la discipline dans une armée en guerre que pose ce livre à un moment où le commandement ne va plus de soi. Après la Seconde Guerre mondiale, le sentiment de l’honneur perdu couplé à celui de la perte de prestige de l’uniforme forme en effet un terrain explosif pour des officiers français qui se sentent méprisés et déclassés. Parallèlement, la guerre d’Algérie est aussi un moment de politisation intense du contingent, à l’image des mutations à l’œuvre dans la société française des années 1950-1960. L’heure est au refus de l’autorité et à l’antimilitarisme. La multiplication des petits actes de résistance dans le contingent en témoigne. À la sortie de la guerre, le pacte qui lie l’armée aux citoyens doit être repensé.
Écrits des condamnés à mort sous l'occupation nazie - 1939-1945
Livre de Michel Borwicz (première édition en 1973)
Les « écrits des condamnés à mort », ce sont les écrits produits dans les ghettos et les camps de l’Europe occupée par les nazis — des poèmes, des journaux intimes, des chroniques, etc. —, ce sont les manuscrits enterrés par les Sonderkommandos, les archives clandestines des ghettos, mais aussi les inscriptions sur les murs de la prison de Fresnes et la poésie de la Résistance en France, en Italie ou ailleurs. Michel Borwicz (1911-1987), lui-même survivant de la Shoah en Pologne et ancien combattant de la Résistance polonaise, émigré en France en 1947, a écrit en 1953 cette première étude socio-historique sur le phénomène du recours à l’écriture face à la violence destructrice du nazisme.
Ce livre à la fois pionnier et méconnu, insolite dans sa généalogie, sa conception et sa composition, est une œuvre de l’exil nourrie par toute l’expérience de son auteur pendant et après la guerre. Riche d’une incomparable documentation, il est aussi l’un des premiers ouvrages d’histoire en français sur la destruction des Juifs de Pologne et, plus discrètement, un livre de souvenirs, un livre témoin.
Suites Algériennes 1962-2019 (seconde partie)
BD de Jacques Fernandez
Avec la montée du Front Islamique du Salut (FIS) durant les années 90, l'Algérie bascule dans la guerre civile et devient un terrain dangereux, surtout pour un journaliste français. Paul-Yanis va toutefois tenter le diable afin de sortir du placard où sa rédaction l'a enfermé, se refaire une réputation professionnelle... et retrouver Nour, la jeune femme rencontrée lors des manifs étudiantes de 1988 et dont il est sans nouvelle... Fin de partie forcément tragique pour le cycle que Ferrandez consacre à l'Algérie des 30 dernières années.
Elle pourrait s'appeler Mona
Livre de Dominique Pasquet, Alain Genestar, Dominique Baqué
Les six séries de photos dressent un visage de la France du XXIe siècle : ses familles homosexuelles ayant fait appel à la médecine pour avoir des enfants, ses jeunes femmes et hommes trans ou tatoués qui ont métamorphosé leur corps de manière définitive.. Mais au-delà de cette sociologie en acte, le regard du photographe, dans son face-à-face intime avec des sujets sortis de tout contexte, nous interroge et nous incite à une réflexion plus existentielle. Qui sont-ils ? Qui sommes-nous ? Que renvoyons-nous aux autres ?
Textes : Alain Genestar, Thierry Grillet, Dominique Baqué et Max Armanet, Bernadette Arnaud, Pierre Assouline, Alexis Brocas, Richard Cannavo, Denis Darzacq, Léa Domenach, Nicolas Domenach, Bernard Géniès, Valérie Hannin, Axel Kahn, Xavière Laffont, Olivier Lascar, Dominique Leglu, Yves Le Grix, Marie-Dominique Lelièvre, Guillaume Malaurie, Christophe Maout, Catherine Mallaval, Joëlle Miquel, Alain Riou, Anne Valérian, Maurice Szafran, Éric Tréguier
Oeuvres poétiques de Yves Bonnefoy (dans La Pléiade)
Les derniers livres d’Yves Bonnefoy (1923-2016) expriment son désir de transmettre le legs de la poésie par-delà la mort. « Lègue-nous de ne pas mourir désespéré », lit-on dans L’heure présente (2011). Quant à L’Écharpe rouge (2016), c’est un « livre de famille » testamentaire en même temps que l’histoire d’une vocation : « Il se trouve que j’étais apte à me vouer à l’emploi disons poétique de la parole… »
La Pléiade fut pour Bonnefoy l’occasion de porter sur son œuvre un regard ordonnateur. Il choisit le titre du volume, Œuvres poétiques, sans céder sur son désir de faire figurer au sommaire quelques textes brefs que l’on qualifierait spontanément d’essais. Le plan serait chronologique. Alors que certaines éditions antérieures associaient des livres ou des recueils relevant de temporalités différentes, il a défait ces « recueils de recueils » pour revenir au plus près des dates des éditions originales. Le grand recueil de 1987, par exemple, Récits en rêve, a éclaté, sans que se perde l’expression récits en rêve, qui désigne chez Bonnefoy une inspiration essentielle ; elle apparaît désormais en sous-titre de certains livres.
Tous les livres ou recueils poétiques, vers, prose, ou vers et prose, sont présents. Bonnefoy ne se reniait pas ; il a souhaité donner dans les appendices quelques textes rares, bien qu’ils soient désormais loin de lui. Il a voulu aussi que soit présente son œuvre de traducteur, de Shakespeare à Yeats, de Pétrarque à Leopardi. Enfin il a ouvert à ses éditeurs les portes de son atelier. Ses manuscrits ont pu être consultés. Ils sont utilisés En marge des œuvres, où l’on trouvera quelques textes et fragments inédits.
Écrire en luttant : les ouvrier.es de LIP et leur journal
Coordination du livre : Guillaume Gourgues et Georges Ubbiali
Pourquoi relire Lip Unité aujourd’hui, cinquante ans après?
Tout simplement parce que faire revivre la façon dont les ouvrier·es de Lip n’ont eu de cesse de prendre la plume pour se battre est une manière de contribuer, modestement, au renforcement du syndicalisme. Si le récent mouvement contre la réforme des retraites marque un retour en grâce de l’outil syndical, il est indispensable de mener un travail de fond sur son enracinement dans des mobilisations collectives, à l’échelle de l’entreprise et de la société.
Lip Unité permet de comprendre comment la pratique d’un syndicalisme ouvert, démocratique et assumant le conflit de classe est une épreuve de chaque instant, même au cœur des années 1970.
Loin de la nostalgie d’un âge d’or des luttes ouvrières, les écrits des Lip nous rappellent, un demi-siècle plus tard, que la lutte collective articule la recherche et le maintien d’un collectif, la combinaison de l’action (la grève, l’occupation) et de la réflexion (les contre-propositions) et la popularisation.
Le soldat désaccordé
Livre de Gilles Marchand
Paris, années 20, un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Arpentant les champs de bataille, interrogeant témoins et soldats, il va découvrir, au milieu de mille histoires plus incroyables les unes que les autres, la folle histoire d’amour que le jeune homme a vécue au milieu de l’Enfer. Alors que l’enquête progresse, la France se rapproche d’une nouvelle guerre et notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d’espoir dans un monde qui s’effondre.