
Nos coups de coeur pour l'été 2025
Une sélection de 17 livres proposés par
- l'association Le Bouillon Cube
- l'association Le Dire et l'Ecrire
- la Librairie Contact à Angers

La ligne
Aharon Appelfeld
Aharon Appelfeld est né en 1932 à Czernowitz en Bucovine. Ses parents, des juifs assimilés influents, parlaient l’allemand, le ruthène, le français et le roumain. Quand la guerre éclate, sa famille est envoyée dans un ghetto. En 1940 sa mère est tuée, son père et lui sont déportés et séparés. À l'automne 1942, Aharon Appelfeld s'évade du camp de Transnistrie. Il a dix ans. Il erre dans la forêt ukrainienne pendant trois ans, « seul, recueilli par les marginaux, les voleurs et les prostituées », se faisant passer pour un petit Ukrainien et se taisant pour ne pas se trahir. « Je n'avais plus de langue. »

Il n'a jamais été trop tard
Lola Lafon
« Ce livre est une histoire en cours. Celle d'un hier si proche et d'un demain qui tremble un peu. Ce présent qui bouscule, malmène, comment l'habiter, dans quel sens s'en saisir ? Comme il est étroit, cet interstice-là, entre hier et demain, dans lequel l'actualité nous regarde. Elle reflète le monde, mais aussi des évènements minuscules en nous, des souvenirs, des questions, des inquiétudes. Ces pages ne sont pas le lieu d'un territoire conquis, d'un terrain marqué de certitudes. Ce livre est l'histoire de ce qui nous traverse, une histoire qu'on conjuguerait à tous les singuliers. »

Le bon Denis
Marie Ndiaye
« Elle entendait la voix égale et limpide du garçon, ni lion ni souffle n’en altérait la placide assurance.
Il semblait, lui, aussi, ce Denis, pareil aux petites feuilles du lilas, se consumer sans brûler.
Il s’écarta brusquement, tournant le dos au père, puis il prit la main de la fille dans un geste d’une telle tendresse qu’elle s’en trouva presque déconcertée.
Ils revinrent vers l’hôtel, leurs pas unis, sans un coup d’œil derrière eux.
Il ne veut pas nous reconnaître, il ne veut pas de nous le pauvre homme, nous sommes libres ! chuchota le garçon avec joie.
Il sembla à la fille qu’une joie de même nature exactement la grisait en toute lucidité.
Libres, enfin libres ! répétait Denis en riant. » LL.

Trésor caché
Pascal Quignard
Une femme perd son chat. En l’enterrant dans son jardin, elle met au jour un trésor.
Elle voyage. Elle rencontre un homme en Italie. En l’espace d’un an, sa vie est entièrement transformée.
« J'avais sept ans. J'ai toujours pressenti qu’une douleur lumineuse me toucherait un jour. Je savais que cette douleur inexplicable proviendrait de cette heure où tout, quand j'étais petite, s’était perdu. Il y avait une sorte de neige à la fin de mon enfance qui tombait en silence. Tout devait sortir du fond du monde comme le soleil sort de la nuit. »

Au soir d'Alexandrie
Alaa El Aswany
À Alexandrie, à la fin des années 1950, une bande d’amis se retrouve régulièrement au bar du restaurant Artinos, sur la corniche, pour de longues soirées animées durant lesquelles, l’alcool aidant, ils se plaisent à refaire le monde. Unis par un attachement profond à leur ville – presque un pays à part entière, même pour ceux qui viennent d’ailleurs –, ils sont divisés face à l’actualité nationale et au leader charismatique Gamal Abdel Nasser. Alors que l’Égypte connaît de profonds bouleversements sociaux et politiques, qu’adviendra-t-il de ces femmes et hommes épris de justice, de beauté et d’amour, acquis à la cause – ou à l’illusion – cosmopolite d’Alexandrie ?
Au sommet de son art, Alaa El Aswany compose une fresque humaine et historique tout en chatoiements tragiques, faisant une fois encore résonner avec brio les voix de personnages pris dans une tourmente qui les dépasse : la fin d’une époque.

Intermezzo
Sally Rooney
Ivan et Peter, deux frères que les années ont éloignés, se retrouvent à la mort de leur père. Ivan, vingt-deux ans, est un brillant joueur d’échecs, ultrasensible et solitaire. Peter, juriste renommé de Dublin, est un trentenaire aux multiples conquêtes. Tous deux vivent des amours périlleuses pendant ce moment délicat du deuil, intermède de vie où la fragilité n’exclut pas l’aventure.
Avec Intermezzo, l’Irlandaise Sally Rooney signe un nouveau roman sensuel et fascinant dans la veine de Normal People, où les personnages se mettent à nu, les couples se font et se défont dans une délicieuse confusion des sentiments.

Toutes les vies de Théo
Nathalie Azoulai
Théo rencontre Léa sur un stand de tir à vingt-cinq ans. Elle est d’origine juive, il est breton, ils s’aiment et cette différence scelle leur destin comme une alliance nécessaire. Élevé dans la culpabilité de la Shoah, Théo choisit aussi Léa pour apurer la dette et être un mensch (en yiddish, un type bien) à ses propres yeux. Vingt-cinq ans plus tard, il n’en est plus de même. Leur union vient buter contre la situation politique française et internationale, les guerres du Proche-Orient, l’attaque du 7 octobre, Gaza et ses innombrables morts, l’inflexibilité israélienne, les agressions antisémites. Théo ne comprend plus Léa, en particulier au sujet d’Israël qui traverse à présent leur histoire comme une ligne de fracture, explose entre eux tel un bouchon qui saute. À l’image de ce qui se passe en Europe et dans le monde. Léa est en guerre et dans cette guerre, Théo ne trouve plus sa place, à moins de se laisser happer par le puits de souffrance qui s’ouvre dans sa propre maison. C’est alors que Théo rencontre Maya, une jeune artiste libanaise qui lui fait découvrir un Orient sauvage et blessé. Théo tombe amoureux, Théo revit, Théo bascule de l’autre côté du conflit. De Léa à Maya, Théo fait l’expérience d’une altérité qui scintille comme une pierre précieuse et coupante, une chose désirable et difficile. Mené comme une romance rapide, mélo ou conte cruel, Toutes les vies de Théo force le trait. À travers les yeux de Théo, le roman aborde le sujet délicat des unions mixtes et des amours qui font alliance contre le mal mais que le mal rattrape. Il raconte aussi les identités qui s’affirment en s’opposant et les autres, celles qui regardent la caravane passer en ne sachant plus quoi penser.
Vingt ans après Les Manifestations (Folio, 2016), Nathalie Azoulai explore les méandres d’une judéité à la française qui serpente entre des amitiés et des amours où elle est mise à rude épreuve, notamment par temps de guerre et de crise.

Le rêve du jaguar
Miguel Bonnefoy
Quand une mendiante muette de Maracaibo, au Venezuela, recueille un nouveau-né sur les marches d’une église, elle ne se doute pas du destin hors du commun qui attend l’orphelin. Élevé dans la misère, Antonio sera tour à tour vendeur de cigarettes, porteur sur les quais, domestique dans une maison close avant de devenir, grâce à son énergie bouillonnante, un des plus illustres chirurgiens de son pays.
Une compagne d’exception l’inspirera. Ana Maria se distinguera comme la première femme médecin de la région. Ils donneront naissance à une fille qu’ils baptiseront du nom de leur propre nation : Venezuela. Liée par son prénom autant que par ses origines à l’Amérique du Sud, elle n’a d’yeux que pour Paris. Mais on ne quitte jamais vraiment les siens.
C’est dans le carnet de Cristobal, dernier maillon de la descendance, que les mille histoires de cette étonnante lignée pourront, enfin, s’ancrer.
Dans cette saga vibrante aux personnages inoubliables, Miguel Bonnefoy campe dans un style flamboyant le tableau, inspiré de ses ancêtres, d’une extraordinaire famille dont la destinée s’entrelace à celle du Venezuela.
Le rêve du jaguar est le lauréat du Grand prix du Roman de l'Académie française 2024 et du prix Femina 2024.

Une femme sur un fil
Olivia Rosenthal
Zoé est une enfant poursuivie par un oncle insistant. Elle cherche à fuir. Elle sait qu’il faut ruser, dévier, qu’elle ne peut avancer en droite ligne. Personne ne marche droit. Sauf peut-être les funambules qui n’ont d’autre choix que de vaincre leur vertige en visant la mire de leur câble. Entre le récit de Zoé et les paroles de funambules sur leur métier, un lien se tisse que l’autrice emprunte à son tour, parce qu’en écrivant, elle avance elle aussi sur un fil, prête à basculer dans le vide.
Ce texte hybride, tantôt récit, tantôt essai, parfois making-of, devra, malgré ou grâce à ses mille dérives, aller au bout du chemin et toucher sa cible, racontant par quels moyens Zoé réussit à se libérer de l’emprise.

Vivre avec les hommes - Réflexions sur le procès Pelicot
Manon Garcia
« Je suis philosophe, je m’intéresse aux rapports entre les femmes et les hommes : après un premier livre sur la soumission des femmes aux hommes, j’ai écrit un ouvrage sur le consentement et les injustices de genre dans la sexualité hétérosexuelle. Je suis aussi une femme de bientôt quarante ans, qui voudrait pouvoir exister dans le monde sans s’inquiéter sans cesse des violences sexistes et sexuelles dont mes amies, mes filles ou moi pourrions être victimes.
J’ai vu les changements apportés par le mouvement #MeToo, je vois le backlash masculiniste qui s’efforce de renvoyer les femmes à leur position de deuxième sexe. Lorsque je découvre les crimes commis sur Gisèle Pelicot, je sais que se condensent dans cette histoire toutes les questions philosophiques qui sont les miennes. J’hésite à aller au procès de Mazan. Puis je me rends à l’évidence : il me faut écrire ce procès et l’expérience que j’en fais, comme philosophe et comme femme. Et tenter de répondre à cette question qui me hante : peut-on vivre avec les hommes ? »

Le Convoi
Beata Umubyeyi Mairesse
« Il aura fallu quinze ans de cheminement incertain, une enquête menée aux confins de mémoires étiolées, pour retrouver une image sur laquelle j’espérais figurer, puis pour chercher mes compagnons de fuite. Quinze ans pour m’autoriser enfin à écrire cette histoire. La mienne et à travers elle, car il s’agit bien de me réinscrire dans un collectif, la nôtre, l’histoire des enfants des convois. »
Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse, alors adolescente, a eu la vie sauve grâce à un convoi humanitaire suisse.
Treize ans après les faits, elle entre en contact avec l’équipe de la BBC qui a filmé et photographié ce convoi. Commence alors une enquête acharnée (entre le Rwanda, le Royaume-Uni, la Suisse, la France, l’Italie et l’Afrique du Sud) pour recomposer les événements auprès des témoins encore vivants : rescapés, humanitaires, journalistes.
Le génocide des Tutsi, comme d’autres faits historiques africains, a été principalement raconté au monde à travers des images et des interprétations occidentales, faisant parfois des victimes les figurants de leur propre histoire.
Nourri de réflexions sur l’acte de témoigner et la valeur des traces, entre recherche d’archives et écriture de soi, Le convoi est un livre sobre et bouleversant : il offre une contribution essentielle à la réappropriation et à la transmission de cette mémoire collective.

La Realidad
Neige Sinno
« Il n’y a rien de tel que la réalité. » On pourrait dire que ce livre est un récit de voyages dans la réalité ou vers la réalité. Avec un premier voyage, il y a plus de vingt ans, où deux jeunes femmes en sac à dos, Netcha, la narratrice, et Maga, une amie espagnole, essaient de rejoindre un village du Chiapas, au Mexique, appelé précisément La Realidad. « Des sources fiables, dit cette amie, lui assuraient que le Sub, alias le souscommandant Marcos, était à La Realidad [...] Marcos est dans la réalité. » Quête autant politique (la rencontre avec les mouvements révolutionnaires zapatistes) qu’initiatique et intime. Si les deux amies renoncent en chemin, elles ne renoncent jamais vraiment. Elles insistent, et par d’autres voies, par d’autres routes, par toute sorte d’approches, on les voit avancer à tâtons vers ce qu’elles imaginent comme un monde inconnu, un monde nouveau, un monde autre. Pour Netcha, l’autre, ce sont avant tout les Indiens qu’elle aimerait rencontrer tout en ayant très peur de cette rencontre. Elle a peur de porter sur les épaules le poids de l’histoire, d’être une représentante du peuple de colonisateurs dont elle est issue, d’avoir lu trop de livres, de passer à côté de ce qui importe vraiment, c’est-à-dire l’altérité. Et c’est bien sûr quand elle décide d’arrêter de voyager, que le vrai voyage commence vraiment.
« Combien de fantômes murmurent encore dans ce livre ? » se demande, à la fin, la narratrice. Celui du mystérieux leader zapatiste, le sous-commandant Marcos, ceux des Indiens en lutte du Chiapas, celui d’Antonin Artaud qui en 1936 fit un voyage énigmatique au Mexique, mais aussi les fantômes d’une existence en quête d’un lieu autre, et le fantôme de la réalité, celui de nos blessures et de nos illusions. Ce nouveau livre de Neige Sinno, autobiographique lui aussi, confirme avec profondeur son immense talent d’écrivain, et offre un récit magique sur l’aspiration autant intime que collective d’un autre monde possible : « Il y a bien une question de stratégie, de choix, de recherche des armes qui nous permettraient de faire advenir un autre monde, mais les forces prennent des chemins qui ne sont pas ceux qu’on croit, plus longs, plus souterrains et moins clairs que ce que l’on souhaiterait. »

Nous nous parlerons d'un lieu où tout est fragile
Judith Perrignon
Avec son talent d'évocation, l'autrice raconte la vie d'un homme, ses silences, sa poésie.
Judith Perrignon est journaliste et romancière. Elle coanime un atelier d'écriture dans un centre d'hébergement d'urgence du Samu social à Paris. C'est là qu'elle a rencontré Rachid, il y a cinq ans. Il avait alors déjà plus de 80 ans. En atelier, puis en tête-à-tête, elle écoute les souvenirs de cet homme, né en 1935 à Annaba, en Algérie. C'est comme écouter le récit d'une tempête en Méditerranée et deviner le chassé-croisé de soldats français en permission et de jeunes Arabes allant chercher du travail, en pleine guerre d'Algérie. Rachid est l'un de ces messagers de l'Histoire que personne ne voit ni n'entend. Ses souvenirs sont comme des éclats de verre. " Il y a les plus gros, coupants et dangereux qu'on ramasse en premier. Et il y en a de minuscules qu'on ne retrouve que longtemps après. " Alors Judith Perrignon part à leur recherche, retrace cette destinée en forme de puzzle qui expose l'Histoire autrement, du côté des oubliés, des invisibles.

Alors c'est bien
Clémentine Mélois
« Il faut que je raconte cette histoire tant qu’il me reste de la peinture bleue sur les mains. Elle finira par disparaître, et j’ai peur que les souvenirs s’en aillent avec elle, comme un rêve qui s’échappe au réveil et qu’on ne peut retenir. Avec ce bleu, j’ai peint le cercueil de Papa. »
Bernard Mélois est sculpteur. Il a consacré son existence à souder des figures spectaculaires dans le capharnaüm de son atelier, en chantant sous une pluie d’étincelles. Alors qu’il vit ses derniers jours, ses filles reviennent dans leur maison d’enfance. En compagnie de leur mère, des amis, des voisins, elles vont faire de sa mort une fête, et de son enterrement une œuvre d’art. Périple en Bretagne pour faire émailler la croix, customisation du cercueil, préparatifs d’une cérémonie digne d’un concert au Stade de France : l’autrice raconte cette période irréelle et l’histoire de ce père hors du commun dont la voix éclaire le récit.
D’une fantaisie irrésistible, Alors c’est bien
offre un regard sensible et inattendu sur la perte et la filiation. C’est aussi l’hommage de l’artiste Clémentine Mélois à son père, ce bricoleur de génie qui lui a transmis son humour inquiet, son amour des mots et son vital élan de création.

Un peu de nos vies - Poèmes et textes courts
François de Cornière
Qu’est-ce que c’est d’autre un poème
qu’un petit sac d’émotions mal fermé ? »
Je ne sais plus pourquoi j’avais écrit ça
mais ces mots me vont bien aujourd’hui.
Un peu de nos vies, c’est ce que l’on retrouve au fil des pages de cette anthologie. Les poèmes et les textes de François de Cornière s’illustrent par leur grâce autant que par leur infinie justesse. L’apparente simplicité de la langue amplifie la profondeur des souvenirs, la douce familiarité de questions ordinaires – « C’est toi qui as les clefs ? », « Tu crois que ça va durer ? » –, l’émerveillement toujours renouvelé d’un regard sur la mer. En fixant sur la page ce « peu de chose » qui fait pourtant ce que nous sommes, François de Cornière nous offre une réflexion à la fois personnelle et universelle sur le temps qui passe.

Rébétiko - La mauvaise herbe
BD de David Prudhomme
À travers ces musiciens grecs qui, avant guerre, chantaient la nuit ce qu’ils vivaient le jour, brûlant leur vie par les deux bouts, David Prudhomme signe l’un des tout grands romans graphiques de ces dernières années!
Il fallait l’invention et l’élégance naturelle de David Prudhomme pour réussir à restituer l’ambiance des bouges d’Athènes dans les années trente, et l'atmosphère électrique qui y régnait... Pour ce récit, David Prudhomme puise son graphisme noir et charbonneux aux sources du cinéma néo-réaliste italien.

Rébétissa
BD de David Prudhomme
Comment continuer à vivre sa passion quand on vous l’interdit ? En 1936, le dictateur Metaxas frappe de censure le Rébétiko, une musique qu’il accuse de démoraliser la jeunesse grecque. Bèba, jeune chanteuse, va chercher comment sauver sa passion, son métier et le café où elle se produit, aidée de Markos, Bátis, Stavros et Anestis, les intenables protagonistes du premier livre.
Découvrez la suite de Rébétiko, un ouvrage marquant : avec près de 25 000 exemplaires vendus, encensé par la presse et les libraires, multiprimé au festival d’Angoulême et ailleurs, il a marqué l’histoire de la bande dessinée et de Futuropolis dès sa sortie en 2009 !
En attendant la version classique de Rébétissa en couleur qui paraîtra en mars 2024, voici déjà pour les amateurs de David Prudhomme une version collector au tirage unique, des planches en noir et blanc à l’italienne (pour pouvoir profiter au maximum des dessins) pour les fêtes de Noël !