Mémoires d'Algérie - juillet 1953-octobre 1961
De part et d’autre de la Méditerranée ces dates ont été occultées. Cette occultation s'explique
Alors que les livres sur la guerre en Algérie se comptent par milliers, les livres sur ces événements sont peu nombreux. Nous avons sélectionné une dizaine de livres de témoignages (ou en grande partie bâtis autour de témoignages) ou de fiction.
Pour en savoir plus sur les conditions des "événements" voici aussi quelques liens :
Des livres
Quatre articles
Deux vidéos
Le 17 octobre 1961
La Seine était rouge
Livre de Leïla SEBBAR
Paris, 17 octobre 1961. La fin de la guerre d’Algérie est proche. En réponse au couvre-feu imposé aux Algériens par Maurice Papon, alors préfet de police, le FLN organise à Paris une manifestation pacifi que. La police charge : violences, arrestations massives, matraquages, meurtres, Algériens jetés dans la Seine. Nanterre, 1996. Amel a seize ans. Elle entend parfois sa mère et sa grand-mère discuter de choses graves dans une langue, l’arabe, qu’elle comprend mal. Quand elle pose des questions, les femmes se dérobent. Avec Omer, journaliste algérien réfugié, et grâce au film documentaire de Louis, fils d’une Française ayant adopté la cause algérienne, elle cherche à comprendre.
Roman polyphonique dense, essentiel, poignant, La Seine était rouge lève le voile de l’oubli sur l’une des pages les plus douloureuses de l’histoire de la France contemporaine.
Née à Aflou, en Algérie, d’un père algérien et d’une mère française, Leïla Sebbar vit aujourd’hui à Paris. Romancière et nouvelliste, elle est l’auteur d’un grand nombre de livres parmi lesquels la trilogie de Shérazade (Stock), Je ne parle pas la langue de mon père (Julliard), Les Femmes au bain (Bleu autour), Le Peintre et son modèle (Al Manar-Alain Gorius), Le Ravin de la femme sauvage (Thierry Magnier), Mon cher fils (Elyzad).
Le visage de pierre
Livre de William Gardner Smith
Fuyant les États-Unis et le racisme qui y règne, Simeon, un noir américain, arrive au début des années 1960 à Paris. Ici, les noirs se promènent sans craindre pour leur vie, et la diaspora américaine a pignon sur rue : dans les cafés, on refait le monde entre deux morceaux de jazz, on discute de politique en séduisant des femmes… Tout semble idyllique dans la plus belle ville du monde. Mais Simeon s’aperçoit bien vite que la France n’est pas le paradis qu’il cherchait. La guerre d’Algérie fait rage, et un peu partout, les Algériens sont arrêtés, battus, assassinés. En rencontrant Hossein, un militant algérien, Simeon comprend qu’on ne peut être heureux dans un monde cerné par le malheur : il ne peut pas rester passif face à l’injustice. Écrit en 1963, Le Visage de pierre fut le seul livre de William Gardner Smith à n’avoir jamais été traduit en français, et l’on comprend pourquoi : pour la première fois, un roman décrivait un des événements les plus indignes de la guerre d’Algérie, le massacre du 17 octobre 1961. Dans cet ouvrage où l’honneur se trouve dans la lutte et dans la solidarité, William Gardner Smith explore les zones d’ombre de notre récit national.
Le 17 octobre des Algériens
Livre de Marcel et Paulette Péju
À cinq mois de la fin de la guerre d’Algérie, le 17 octobre 1961, Paris a connu le plus grand massacre de gens du peuple depuis la Semaine sanglante de 1871. Des dizaines de milliers d’Algériens manifestant sans armes ont été violemment réprimés par des policiers aux ordres du préfet Maurice Papon, faisant peut-être deux cents morts. Et pendant une trentaine d’années, ce drame a été « oublié ». Pourtant, dès l’époque, des femmes et hommes courageux ont tenté de le faire connaître. En témoigne le texte inédit que Marcel et Paulette Péju devaient faire paraître à l’été 1962 et publié ici pour la première fois. Nourri de nombreux témoignages d’Algériens recueillis à chaud, sa lecture ne laisse pas indemne.
Il est complété par La triple occultation d’un massacre de Gilles Manceron, qui jette une lumière neuve sur cet événement. Papon était appuyé dans le gouvernement par ceux qui désapprouvaient les choix du général de Gaulle dans les négociations en cours pour l’indépendance de l’Algérie. Il a préparé et orchestré la violence de la répression en donnant aux policiers une sorte de permis de tuer. Gilles Manceron éclaire également les raisons de la longue occultation du massacre : sa dissimulation par ses organisateurs au sein de l’État français ; l’effacement de sa mémoire au profit de celle de Charonne en février 1962 ; et le silence des premiers gouvernants de l’Algérie indépendante, car les organisateurs de la manifestation étaient devenus leurs opposants.
Ce livre explique la logique implacable d’un événement qui correspond aux derniers feux de la folie coloniale, paroxysme d’une période où la France s’est écartée des principes hérités des plus grands moments de son histoire.
Octobre noir
BD de Didier Daeninckx & Mako
Paris 1961. Vincent est un jeune chanteur dans un groupe de rock, Les Gold Star, côté scène. Dans le privé Vincent s'appelle Mohand, il est Algérien dans la France des " Événements d'Algérie ".
Le soir du 17 octobre, son groupe participe à un tremplin rock donnant accès au gagnant à la scène réputée de l'Olympia. Mohand, partagé entre son envie de participer au concert et sa volonté de soutenir son peuple en manifestant à l'appel du FLN, il rejoint finalement son groupe au Golf Drouot.
En sortant du concert il découvre un Paris en guerre. De retour chez lui, il apprend que sa soeur Khelloudja a disparu. Commence alors une quête qui révèlera la violence de la répression de la manifestation.
Le 17 octobre 1961 par les textes de l'époque
Livre Collectif
Le mardi 17 octobre 1961, en pleine guerre d’Algérie, des Algériens tentent de manifester pacifiquement à Paris contre le couvre-feu décrété par le préfet de police Maurice Papon. Cette mobilisation, organisée à l’appel du FLN, sera sauvagement réprimée. Un massacre longtemps étouffé.
Ce livre présente des documents bruts de l’époque : le communiqué du préfet Papon et la circulaire de police concernant "la circulation des Français musulmans algériens" ; l’appel du FLN à manifester et ses consignes pour l’opération ; puis, après le drame, une lettre du journaliste Claude Bourdet (fondateur de France-Observateur) à Maurice Papon, un texte formidable de rigueur et de dignité ; mais aussi un tract de "policiers républicains" indignés par l’horreur à laquelle on a voulu les associer ; le reportage-témoignage d’un jeune appelé au Parc des expositions, où sont parqués, dans des conditions inhumaines, les Algériens arrêtés, etc.
Dans une longue préface, l’historien et journaliste Gilles Manceron situe ces documents bruts dans leur contexte. Et l’association Sortir du colonialisme, qui coordonne l’ouvrage, évoque les batailles qui perdurent cinquante ans après, notamment à travers des débats tels que celui sur "les effets positifs" de la colonisation.
Les fantômes d'octobre : 17 octobre 1961
Livre d'Ahmed Kalouaz
Public destinataire : 9 à 13 ans
"Le récit de la vie du grand-père de l'auteur qui a émigré en France avec sa famille en 1959. Il décrit les conditions d'accueil, entre précarité, rejet, mépris et solidarité, et insiste sur la manifestation des Algériens le 17 décembre 1961 et la répression qui a suivi et a fait des centaines de morts." - Electre Le roman est suivi d'un cahier documentaire comprenant un entretien avec Didier Daeninckx et le témoignage d'un policier sur la manifestation.
Meurtres pour mémoire
Livre de Didier Daeninckx
Paris, octobre 1961 : à Richelieu-Drouot, la police s'oppose à des Algériens en colère. Thiraud, un petit prof d'histoire, a le tort de passer trop près de la manifestation qui fit des centaines de victimes. Cette mort ne serait jamais sortie de l'ombre si, vingt ans plus tard, un second Thiraud, le fils, ne s'était fait truffer de plomb, à Toulouse.
Lorsque l'étudiant Bernard Thiraud est abattu à Toulouse, sa mort brutale fait ressurgir celle de son père, décédé d'une balle dans la tête lors de la manifestation algérienne du 17 octobre 1961. La mort du professeur d'histoire, qui était à l'époque totalement passée inaperçue, pose vingt ans plus tard un certain nombre de questions. Sa liquidation avait-elle été l’œuvre de barbouzes chargées de nettoyer le paysage politique ? Était-ce une affaire de "porteur de valise" ? Une simple bavure ? Quel lien établir avec l'assassinat du fils ? Ce dernier aurait-il fourré le nez dans les affaires de son père et découvert une partie du trésor de guerre du F.L.N. ? L'inspecteur Cadin se heurte à la difficulté de remuer un dossier "classé sans suite". Didier Daeninckx est un auteur engagé qui entremêle réflexion politique et intrigue policière. Il se révèle ici écrivain de tout premier ordre.
Le silence du fleuve, ce crime que nous n'avons toujours pas nommé
Livre d'Anne Tristan
Octobre 1961, des algériens manifestent dans Paris. La police française matraque, tue, jette les corps dans la Seine. C'est un massacre. Les victimes se comptent par centaines. Qui a vu ? Qui se rappelle ? Pour nous, Agnès, Samia, Mehdi... Toute l'équipe qui a réalisé ce livre, cette histoire n'est pas ancienne : elle a notre âge. Nous avons voulu en débusquer les traces dans les archives, dans les mémoires, comprendre pourquoi nous l'avions apprise par hasard. Et qu'avons-nous repêché dans tous les filets que nous avons lancés ? Un ensemble de silences que nous vous donnons à écouter.
Le 14 juillet 1953
1953, un 14 juillet sanglant
Livre de Maurice Rajsfus - Nouvelle édition le 10/06/2021
"Le 14 juillet 1953, comme chaque année depuis 1936, le Parti communiste et la CGT organisent une grande manifestation de rue pour célébrer les valeurs de la République et les idéaux de la Résistance. Mais ce mardi-là, un important cortège de travailleurs algériens s'est formé, encadré par le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) de Messali Hadj, qui scande "Non au colonialisme" et - pour la première fois - "Nous voulons l'indépendance!" Place de la Nation, les forces de l'ordre chargent violemment. Les Algériens résistent, des policiers tirent alors dans le tas, tuant six jeunes ouvriers algériens et un métallurgiste français, syndicaliste CGT. Et de cet épisode, pas de trace dans la mémoire officielle de la Préfecture de Police... En cette "année de l'Algérie", ce livre, véritable enquête, s'efforce de reconstituer ce crime dissimulé et de faire revivre cette page d'histoire inconnue. Il rapporte les réactions des témoins, des journalistes, des parlementaires et des hommes politiques dans les jours qui ont suivi. Dans le contexte de cette époque, Maurice Rajsfus évoque cette main d'oeuvre immigrée bienvenue dans les usines mais en butte au racisme quotidien, la montée d'une revendication indépendantiste qui déplaît fort à la gauche française...
Les balles du 14 juillet 1953
Livre de Daniel Kupferstein
Le 14 juillet 1953, la gauche communiste et syndicale célèbre la fête nationale, comme c’est la tradition, par une manifestation à Paris. Y participent, à la fin du cortège, plusieurs milliers de militants du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), le parti nationaliste algérien. Quand ils arrivent place de la Nation, des heurts se produisent et les policiers tirent froidement sur les manifestants algériens. Six d’entre eux sont tués, ainsi qu’un militant de la CGT. Et on compte des dizaines de blessés par balles.
Pendant un demi-siècle, ce drame va être effacé des mémoires et des représentations, en France comme en Algérie. Pour comprendre les raisons de cette amnésie et faire connaître les circonstances de l’événement, Daniel Kupferstein a conduit une longue enquête, pendant quatre ans. Elle lui a permis de réaliser en 2014 un film, que ce livre prolonge et complète. On y découvrira les témoignages inédits de nombre d’acteurs de l’époque, ainsi que les ressorts de l’incroyable mensonge d’État qui a permis l’occultation de ce massacre.
Et on comprendra le rôle essentiel de « déclic » joué par ce dernier dans le déclenchement par le FLN de la « guerre de libération » en novembre 1954.
« L’originalité de l’approche de Daniel Kupferstein réside dans sa méthode de cinéaste documentariste. Si ce livre s’appuie sur la consultation d’archives inédites, sur une lecture attentive de la presse de l’époque et des moindres évocations du 14 juillet 1953 au cours des années qui suivent la tragédie, sur une fréquentation des études consacrées à la guerre d’Algérie, une part essentielle est constituée par la recherche des témoignages. Ce qui en fait la richesse, c’est bien la rencontre avec les acteurs de cet épisode sanglant, avec leurs proches, aussi bien du côté des victimes que des forces de répression, et avec tous ceux dont la vie, aujourd’hui encore, est entravée par les non-dits, les mal-dits de l’Histoire. » (Didier Daeninckx)