Fusillés pour l'exemple   


En ce sinistre anniversaire des fusillades de 1917, nous vous présentons romans et récits sur cet épisode peu glorieux de notre histoire de France. Si le 5 novembre 1998, Lionel Jospin, Premier Ministre, a eu des mots de compassion pour ces fusillés, à ce jour une quarantaine d'entre eux seulement ont été réhabitités alors qu'on évalue à 2 500 le nombre de condamnations à mort et à 1 000 le nombre de fusillés (1).


Dans une ambiance de patriotisme exacerbé, il n'a pas été facile pour les familles des fusillés de demander réparation. Mais dès cette époque des familles, des femmes surtout, se sont battus pendant des années (2) pour la mémoire de leur proche. Des municipalités ont parfois répondu à la demande en inscrivant, sur le monument du village ou de la ville, le nom d'un fusillé au beau milieu des "morts pour la France". 

L'armée française n'a pas été la seule à fusiller ses propres soldats. Seule l'armée australienne a toujours refusé de le faire.


Nous vous présentons dans cette page une sélection de récits, de journaux personnels de Poilus, de leurs familles et de romans.


Pour avoir un point de vue plus historique, on peut utilement lire le livre de Nicolas Offenstadt "Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-2009)"

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(1) Contrairement à la mémoire collective qui fait de l'année 1917 "l'année des fusillés", le point culminant du nombre de fusillés a été atteint dès le début de la guerre, entre septembre 1914 et mars 1915.

(2) Par exemple Blanche Maupas, institutrice, n'obtiendra la réhabilitation de son mari, Théophile fusillé le 17 mars 1915, que le 3 mars 1934. Et ce n'est qu'en 2007 qu'un monument en mémoire de Théophile et de ses trois camarades sera érigé à Suippes dans la Marne, non loin de leur lieu d'exécution.



Blanche Maupas : La veuve de tous les fusillés


Macha Séry & Alain Moreau


Mars 1915. Le ministère de la Guerre informe Blanche Maupas, institutrice au Chefresne (Manche), que son mari Théophile, caporal dans les tranchées, « a été passé par les armes après dégradation militaire pour refus d'obéissance ». « Mort ignominieusement », précise le document officiel.
Une autre femme se fût sans doute réfugiée dans l'obscurité et l'oubli. Blanche, elle, s'insurge : pour elle, l'exécution de Théo est un crime. Seule face au mensonge patriotique et militaire, elle n'aura de cesse d'obtenir sa réhabilitation. Malgré l'opprobre quasi général, elle accumule les témoignages, reconstitue les faits, se bat pour qu'éclate la vérité sur l'affaire des quatre caporaux de Souain, fusillés pour l'exemple...
Le charisme de Blanche, son talent oratoire font des miracles. Bientôt rejointe par la Ligue des droits de l'homme, les syndicats d'instituteurs, le Grand-Orient de France, de nombreuses associations d'anciens combattants, Blanche la révoltée n'est plus seule. C'est désormais une héroïne qui soulève l'opinion publique...
Macha Séry et Alain Moreau ont reconstitué la véritable histoire de cette rebelle et de son combat.




Les sentiers de la gloire

 

Humphrey Cobb


Lors de la guerre de 1914-1918, un régiment français, épuisé par les combats précédents, reçoit l'ordre d'enlever d'assaut une position allemande réputée imprenable. Le feu est si nourri que les soldats qui ont pu sortir de la tranchée sont cloués sur place. L'échec de l'attaque déclenche la colère du général qui l'a commandée. Il veut des "fusillés pour l'exemple". Trois soldats, pourtant parmi les plus courageux, sont choisis par leurs officiers et traduits, pour lâcheté face à l'ennemi, devant une cour martiale expéditive. 
Condamnés, ils sont fusillés le lendemain, pour que d'autres soldats continuent de marcher vers l'abattoir. "Pour le bien de la patrie", commente un officier. Telle est la trame du roman d'Humprey Cobb, écrit et publié en 1935. Il reprend des faits réels. Dès le début de la guerre de 1914-1918, l'état-major de l'armée française avait obtenu du gouvernement la mise en place d'une justice militaire d'exception, habilitée à juger, rapidement et pour l'exemple, tous les cas de désertion ou d'insubordination. 
Best-seller aux Etats-Unis, le livre est adapté en 1957 par Stanley Kubrick mais ne sortira que 18 plus tard sur les écrans français ...



Les poilus ont la parole


Jean Nicot


1917 : la guerre est à un tournant décisif. Quel est l'état du moral des troupes dans les tranchées ? Paradoxalement. c'est grâce à la censure que l'on dispose de documents exceptionnels qui permettent de comprendre ce que fut la réalité du front. À partir de décembre 1916, le service du contrôle postal reçoit l'instruction de sonder méthodiquement la correspondance de chaque unité combattante. Il ne s'agit plus pour l'armée de seconder les services de contre-espionnage, mais de se donner les moyens de connaître l'état du moral des troupes. Cette systématisation de la censure permet à l'état-major de se livrer à une étude rigoureuse de l'état d'esprit qui règne réellement au front. Pour la première fois, les lettres des poilus, recopiées par les services de la censure, sont livrées à la connaissance du public. Jean Nicot ne s'est pas contenté de mettre au jour ces milliers de lettres, qui sont autant de témoignages sur la vie quotidienne au front et d'interrogations sur le bien-fondé de la poursuite de l'" odieux carnage ". Il a voulu remettre en perspective (historique, sociale et politique) cet immense matériel, restituant ainsi, quatre-vingts ans plus tard, la parole à tout un peuple citoyen dans la force de l'âge, étonnamment au fait des événements extérieurs.



Tranchecaille

 

Patrick Pécherot


Chemin des Dames, 1917, l'offensive du général Nivelle tourne à l'hécatombe. Dans l'enfer des combats, un conseil de guerre s'apprête à juger le soldat Jonas, accusé d'avoir assassiné son lieutenant. Devant l'officier chargé de le défendre défilent, comme des fantômes, les témoins harassés d'un drame qui les dépasse. Coupable ? Innocent ? Jonas est-il un simulateur ou un esprit simple ? Le capitaine Duparc n'a que quelques jours pour établir la vérité. Et découvrir qui est réellement celui que ses camarades ont surnommé Tranchecaille.



Le boucher des hurlus

 

Jean Amila 


Le père du petit Michou a été fusillé pour mutinerie en novembre 1917. Il refusait avec d'autres soldats de monter à l'assaut de Perthes-les-Hurlus, où 140 000 poilus avaient trouvé la mort sans que l'endroit n'ait de valeur stratégique. Au lendemain de l'Armistice, sa veuve et son fils sont insultés puis agressés par leurs voisins d'immeuble. La mère est internée. Michou, envoyé à l'orphelinat, n'a plus que la vengeance en tête. Avec une bande d'adolescents, il fait le mur pour aller tuer le général Des Gringues, responsable de la mort de son père. En partie autobiographique, ce roman, reflet de la misère sociale d'une époque, rappelle un épisode tragique de la Première Guerre mondiale qui fut longtemps occulté.



Le fusillé


 

Blanche Maupas (illustrations : Tardi)


L'histoire est celle d'un caporal fusillé pour l'exemple en 1915 alors qu'il était sur le front. Il est de ces hommes qui ont payé de leur vie, en dehors de toute justice, à un moment où l'état-major a voulu casser les premières rébellions de soldats en révolte. L'auteur, son épouse, a milité pendant des années pour sa réhabilitation.








Un long dimanche de fiançailles

 

Sébastien Japrisot


Cinq soldats français condamnés à mort en conseil de guerre, aux bras liés dans le dos. Cinq soldats qu'on a jetés dans la neige de Picardie, un soir de janvier 1917, devant la tranchée ennemie, pour qu'on les tue. Toute une nuit et tout un jour, ils ont tenté de survivre. Le plus jeune était un Bleuet, il n'avait pas vingt ans.
À l'autre bout de la France, la paix venue, Mathilde veut savoir la vérité sur cette ignominie. Elle a vingt ans elle aussi, elle est plus désarmée que quiconque, mais elle aimait le Bleuet d'un amour à l'épreuve de tout, elle va se battre pour le retrouver, mort ou vivant, dans le labyrinthe où elle l'a perdu. Tout au long de ce qu'on appellera plus tard les années folles, quand le jazz aura couvert le roulement des tambours, ses recherches seront ses fiançailles. Mathilde y sacrifiera ses jours, et malgré le temps, malgré les mensonges, elle ira jusqu'au bout de l'espoir insensé qui la porte.




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