Catherine Soudé
Une présentation parue le 16/10/2017 sur le site Montpellier Ecusson :
Longtemps Catherine Soudé s’est contentée d’alimenter les albums photos de famille. Mais le déclencheur pour cette enseignante à la retraite fut l’apparition de l’appareil numérique. Elle en a fait un génial outil de découverte voire un réenchantement du monde.
Munie de son boîtier, Catherine s’attarde sur des petits riens, auxquels elle accorde beaucoup d’importance.
Dans ces petits riens, sont issus des affiches déchirées, des rideaux, de la rouille sur des vitres, des fragments de murs ou encore des palissades de chantier.
La photographe cadre, passe du net blanc au contraste, force du côté des blancs, accentue la netteté pour un rendu surprenant lassant l’imaginaire faire son œuvre.
Ses clichés tantôt monochromes tantôt en couleur apportent un regard particulier sur le monde comme au travers de l’oxydation où l’on peut imaginer d’anciennes cartes marines, ou encore sur ces affiches déchirées, on découvre des bords de mers…
« Je me suis rendu compte que ces paysages me renvoyaient à des images de mon enfance. L’enfance nous façonne, on en retire des moments de bonheur, » ajoute Catherine....
Un article de Catherine Soudé paru dans la revue de l'APA "LA FAUTE A ROUSSEAU" - n° 78 juin 2018
" Avec ses formes épanouies, sa robe à fleurs et son sourire malicieux, elle ressemble à une vieille paysanne normande, du genre jovial. Elle marche avec une canne, ralentie par une polyarthrite invalidante dont il serait déplacé de faire état. Elle vient d'une époque où l'on garde ses misères pour soi. Elle a la voix bien timbrée de quelqu'un rompu à l'exercice de la parole. Enseigner, transmettre, ce fut son métier et sa passion. Elle doit avoir dans les 75 ans lorsque je la rencontre en 1999, aux Journées annuelles de l'APA. J'ai proposé un atelier pour raconter ses friches et greniers d'écriture. Elle est venue pour ça. Ses armoires débordent de papiers, de journaux, de notes, de cahiers pour lesquels elle souhaiterait un autre destin que l'oubli ou la destruction. Elle voudrait laisser des traces de son passage sur terre..."
J’ai eu la chance de la rencontrer Jacqueline Chebrou, il y a une vingtaine d’années, lors des Journées organisées par l’Association pour l’Autobiographie. Elle se demandait alors que faire de ses nombreux petits papiers, notes, cahiers et textes en jachère.
Ecrire, pour cette observatrice constamment en éveil était une manière d’être au monde. Elle écrivait pour penser la place qui était la sienne dans la grande aventure de l’univers comme dans l’histoire mouvementée des hommes, notamment avec deux récits d’enfance inédits, Françoise, et Grand-père Paul. Elle a publié un journal de guerre, Une jeune fille raconte, Carnet de guerre 1939-1945, commencé à l’âge de seize ans. Dans un gros ouvrage au titre délibérément polémique, Soixante ans de sous-éducation nationale, elle s’est longuement expliquée sur le métier de professeur qu’elle a exercé avec une infatigable générosité, et d’une certaine manière jusqu’à la fin de sa vie, en donnant, aux uns et aux autres, des coups de main pour passer tel ou tel concours ou rattraper un niveau scolaire. La passion de la pédagogie ne l’a jamais quittée. Enfin, elle a également recueilli une correspondance auprès d’un membre de sa famille, publiée sous le titre Lettres d’Adrien, un document sensible sur la vie des havrais pendant la guerre 1939-1945. C’est toujours avec le souci de transmettre qu’elle écrit. Sans doute avait-elle aussi ...
Un portrait de Jacqueline Chebrou
Avec ses formes épanouies, sa robe à fleurs et son sourire malicieux, elle ressemble à une vieille paysanne normande, du genre jovial. Elle marche avec une canne, ralentie par une polyarthrite envahissante, dont il serait déplacé de faire état. Elle vient d’une époque où l’on garde ses misères pour soi.
Elle a la voix bien timbrée de quelqu’un rompu à l’exercice de la parole. Enseigner, transmettre ce fut son métier et sa passion. Mais cela je ne le saurais qu’un peu plus tard…Elle doit avoir dans les 75 ans. On est en 1999, aux rencontres annuelles de l’Association pour l’autobiographie, et j’ai proposé dans un atelier de raconter ses friches et greniers d’écriture. Elle est venue pour ça. Elle dit que ses armoires débordent de papiers, de journaux, de notes, de cahiers auxquels elle voudrait bien donner un destin plus noble qu’un fond de poubelle. Elle dit qu’elle voudrait laisser des traces de son passage sur terre.
Ça a commencé comme ça. Un beau jour d’été, à la toute fin du siècle dernier, je suis tombée sous le charme d’une vieille dame un peu loufoque dont je me suis tout de suite sentie complice. De retour dans sa Normandie, elle m’a naturellement investie du rôle de correspondante et lectrice, rôle auquel j’ai d’autant plus facilement consenti que j’aimais ce qu’elle écrivait. Et ça a duré jusqu’en mai 2016 quand elle a du prendre congé définitivement, bien malgré elle, car elle n’avait pas fini son travail, je devrais dire de son œuvre, puisque que c’est bien de cela qu’il s’agissait.
Elle s’appelait Jacqueline-Marie-Octavie Chebrou et j’allais avoir quelques années pour découvrir qui était cette drôle de bonne femme dont la finesse, la vivacité et l’appétit de vie ne cesseraient de me réjouir. Une figure de femme aux antipodes de mes sages et tristes grands-mères.
Elle était drôle, généreuse, têtue, poil à gratter, déconcertante, autoritaire, débordante, tenace, foutraque, gourmande, philosophe, humaniste, curieuse, exigeante, anticonformiste, grande lectrice d’Héraclite et de la Bible, anticléricale, agnostique et animiste. En même temps ! Elle en imposait. C’était une femme libre, une femme vivante.
Il a fallu qu’elle ne soit plus là pour que plongeant dans ses archives, je découvre d’autres aspects de sa vie, sa jeunesse fracturée par la guerre, son amour perdu, ses années de solitude, et ses fêlures dont elle parlait peu. Et que je mesure quelle place elle tenait dans ma vie.