Boualem Sansal n’a pas été gracié,
mais au Maghreb il n’est pas « Voltaire »
[extraits d'un article de Mediapart, le 5 juillet 2025]
... « Je ne parle même pas de ces intellectuels panarabistes qui ont une dose plus ou moins islamiste. Pour ces derniers, le cas Sansal ne mérite aucune mobilisation », précise Fouad Abdelmoumni, militant et économiste marocain de gauche, condamné en mars dernier, en première instance, à six mois de prison ferme pour « outrage à des corps constitués ».
« Les autres intellectuels, beaucoup plus dans le référentiel universel et laïc, considèrent que Sansal bénéficie déjà de suffisamment de soutien en France et qu’il vaudrait mieux réserver leurs forces aux autres victimes, qui, elles, sont ignorées par les élites françaises et occidentales », précise le militant.
Selon lui, ces derniers « font donc le service minimum, qui consiste à dire : “Nous avons les idées racistes de Sansal en horreur mais nous considérons que la détention pour délit d’opinion n’est pas défendable et qu’il doit être libéré.” »
Depuis quelques années, Boualem Sansal adopte en effet un discours qui adhère ouvertement aux thèses les plus extrêmes de la droite française, et reprend de manière décomplexée les thèmes portés par Éric Zemmour, plusieurs fois condamné pour ses propos racistes : l’apport « positif » de la colonisation, le « déclin » de l’Occident, « l’islamisation » de la France, la théorie fumeuse du « grand remplacement », la menace que représenterait l’immigration en France, etc. C’est cet aspect-là de son discours, et non pas son hostilité envers l’idéologie islamiste, qui justifie les réticences des intellectuels et des militants maghrébins.
« Évidemment, Sansal est un écrivain et il n’a pas à se trouver en prison. C’est inadmissible, et le régime algérien en assume la responsabilité, abonde l’universitaire Khadija Mohsen-Finan. Mais je pense qu’il y a eu un glissement dangereux qui, finalement, n’a pas servi Sansal dans ce qu’il endure actuellement en Algérie. » Elle regrette que « les médias et les journalistes d’extrême droite se soient emparés de son cas pour mettre l’Algérie à l’index et véhiculer un discours extrémiste devenu banal en France » ...